Miser sur le soutien des grandes puissances comme les Etats-Unis et la Russie pour fonder un Etat kurde serait une erreur.

Le 10 octobre 2015, à Ankara, la capitale de la Turquie, un terrible attentat a tué 99 manifestants pacifistes et blessé 250 personnes. Visant des militants kurdes, il ravive la question du plus grand peuple sans Etat du monde.

Selahattin Demirtas et Abdullah Ocalan incarnent la renaissance d'un peuple. Le premier se trouve au centre du jeu politique turc. Le second, séquestré sur une île, est considéré comme un "terroriste" par Ankara. Quels liens entretiennent-ils ?

La Turquie est happée dans une guerre qu'elle mène désormais sur deux fronts, en Syrie et chez elle. Car, ce que redoute le président Erdogan, ce n'est ni Assad ni Daech, mais la construction d'un Etat kurde de part et d'autre de la frontière syrienne.

L'annonce de négociations entre Ankara et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a créé la surprise. Elle confirme la place nouvelle prise par la ″question kurde″ pour tous les acteurs régionaux, place confirmée par l'insurrection en Syrie. Ayant échappé au contrôle de Bagdad depuis 1991, le Kurdistan irakien espère catalyser et concrétiser les revendications nationales d'un peuple oublié de l'histoire.

Alors que des dizaines de milliers de Kurdes de Syrie se sont réfugiés en Turquie, des centaines de jeunes Kurdes de Turquie vont en Syrie combattre les islamistes de Daech.

La guerre de l'Etat islamique contre les Kurdes et ses répercussions en Turquie forcent Ankara à négocier avec le PKK kurde, accusé de terrorisme.

Les Turcs ne comptent pas protéger les Kurdes attaqués par les djihadistes de l'Etat islamique, et risquent de laisser un massacre se dérouler à Kobané.

Après l'Irak et la Syrie (Géo n°359), nos journalistes ont continué d'explorer les terres kurdes. En Turquie et en Iran, ils sont vingt-trois millions à lutter afin de faire valoir leurs droits. Mais, entre pressions et répression, pour eux, le rêve d'un Kurdistan indépendant paraît éloigné