Les puissantes manifestations des chemises jaunes ont permis, en août 2008, de chasser du pouvoir les partisans de l'ancien premier ministre et homme d'affaires Thaksin Shinawatra. A peine deux ans plus tard, ce sont les chemises rouges qui ont occupé Bangkok. Cet affrontement coloré témoigne de failles profondes dans la société et d'un ébranlement de la royauté.

Comme Berlusconi, Thaksin Shinawatra a conquis le pouvoir après avoir édifié un empire de la communication.

Trois mois après l'écrasement de la révolte des chemises rouges, la vie à Bangkok a repris son cours normal. Mais l'armée a prolongé l'état d'urgence, comme dans six autres provinces du pays.

La victoire électorale de Yingluck Shinawatra, soeur de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin, est une gifle pour l'armée et les élites. La laisseront-ils gouverner ?

Les flots qui submergent toujours le pays ont aussi emporté la popularité du gouvernement Shinawatra. Et permis à l'armée de se refaire une virginité.

De novembre 2013 à mars 2014, date à laquelle ce texte a été écrit, la Thaïlande a fait face à un conflit sans précédent concernant la légitimité du gouvernement. L'actuelle équipe dirigeante revendique sa légitimité en invoquant la démocratie électorale. L'opposition, incarnée par le Comité pour la réforme démocratique du peuple (PDRC) est descendue dans la rue, menée par Suthep Thueksuban, un ancien vice-premier ministre du Parti démocratique qui arriva au pouvoir par la force en 2006, mettant fin au gouvernement démocratiquement élu du corrompu Thaksin Shinawatra.

L'interminable bras de fer entre le gouvernement de Yingluck Shinawatra et son opposition menace de très mal tourner. Et si l'armée jouait les arbitres ?

Les opposants au Premier ministre ont réussi à faire dérailler le scrutin législatif anticipé. Ce sont désormais les juges et les hauts fonctionnaires qui entrent en scène.

Membre de l'aristocratie thaïlandaise, proche du roi Bhumibol, elle détonne dans son milieu en prenant fait et cause pour ceux qui soutiennent la famille Thaksin, au nom de la défense des pauvres.

Le 26 mai 2014, le général Prayuth a finalement été reconnu chef de la junte sur ordre du roi, âgé et malade. Son arrivée au pouvoir porte un coup d'arrêt à la lutte qui oppose la classe moyenne rurale à l'élite royaliste.