Comment un film maudit et mutilé de Billy Wilder est devenu le modèle de la série Sherlock ? Réponse(s) avec un Blu-ray collector et Mark Gatiss, l'un des créateurs du show.

Fin 1949, à Evanston (Illinois), petite ville des bords du lac Michigan, au nord de Chicago, bien loin de Los Angeles : première projection test de "Sunset Boulevard". C'est là que Billy Wilder dût renoncer à une séquence d'ouverture qu'il avait adoré tourner. Gloria Swanson, William Holden et Nancy Oison étaient nés tout près d'Evanston, mais ce hasard ne protégea en rien le sort de ces premières images. On y voyait le corps de Joe Gillis transporté dans son sinistre emballage depuis la villa de Norma Desmond jusqu'à la morgue de Los Angeles.

Miklos Rozsa a composé la musique de cinq films de Billy Wilder : "Les Cinq Secrets du désert" (1943), "Assurance sur la mort" (1944), "Le Poison" (1945), "La Vie privée de Sherlock Holmes" (1970), "Fedora" (1978). Dans ses Mémoires, "Double Lift" (The Baton Press, Tunbridge Wells, Grande-Bretagne, 1982), il évoque trois d'entre eux et s'attarde sur deux dans les passages que nous publions. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Alain Masson.

L'expérience d'un film survit dans notre mémoire sous forme de bribes éparses : noms, objets, visages, sentiment vague d'avoir eu peur, euphorie ou honte, souvenir de la solitude ou du plaisir grégaire d'une sortie en groupe, tous ces éléments finissent par former un chapelet d'affects qui, avec le temps, mature en rébus. Un filin n'est pas un objet préhensible, qu'on pourrait parcourir et citer comme un livre, mais un absent, un fantôme. Il est de son essence même de ne faire que passer.

La presque totalité de l'oeuvre de Billy Wilder pourrait se résumer à cette phrase : les faux-semblants et les falsifications du réel sont les étapes obligées d'un parcours de construction personnelle. Mensonges, usurpations d'identité, subterfuges, travestissements, simulacres, mystifications : tous les moyens sont bons pour donner corps au fantasme, avant que le retour à la dure réalité ne vienne fracasser les illusions, pourtant nécessaires à l'acceptation de soi.