Le |Surréalisme cent ans après
Bulletin : Lire magazine littéraire avril 2024
Numéros de page :
pp.40-50
Rimbaud l'avait pressenti avec sa quête d'une "alchimie du verbe" et sa "mélancolique lessive d'or du couchant". Lautréamont l'avait effleuré par une fameuse comparaison ("beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie"). Apollinaire a inventé son nom. Et André Breton en a établi les principes fondateurs. Né d'un fier refus de la réalité positive, d'un attrait pour le rêve et la théorie freudienne, d'un intérêt sans a priori pour les mots des supposés fous, et d'un exubérant désir de nouveauté, le surréalisme a irrigué tous les arts : la poésie avec Éluard, le roman avec Aragon, la peinture avec Dali, le cinéma avec Bunuel... Et pour cause : autant qu'une méthode de création souvent stimulée par le jeu, le surréalisme apparaît d'abord comme une façon de voir le monde en déjouant systématiquement toutes les conventions par lesquelles nous nous le représentons, et en faisant fi de toute raison. La promenade y devient jeu de hasard, l'écriture quête de "rencontres fortuites" et de collisions fructueuses, la pensée s'ouvre au délire ; l'inconscient bâillonne le surmoi pour dicter sa parole. Quelle libération que le surréalisme ! Et quelle étonnante histoire que celle de ce mouvement, parti d'une volonté d'émancipation absolue, et qui finit en dictature au fil des exclusions prononcées par son fondateur. Une histoire somme toute brève, mais assez marquante pour que, cent après le "Manifeste" de 1924, nous taxions de "surréaliste" tout ce qui nous semble défier la raison. Assez marquante aussi pour que de nombreux artistes, sans se revendiquer du mouvement, en véhiculent l'empreinte dans leur oeuvre : hier Ionesco et Beckett, aujourd'hui le réalisateur Quentin Dupieux... La surréalité n'a pas fini de nous désarçonner. Sommaire. La bande à Breton : histoire d'une révolution. "Le Manifeste", itinéraire d'un texte fondateur. Technique surréaliste : l'esprit d'un collectif. Au théâtre : en avant-garde toute ! 8 oeuvres au-delà du réel. Sur grand écran : une idylle vite rompue.