"It is what it is"
Bulletin : Cahiers du cinéma 763 - février 2020
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pp.6-18, 20-22
"The Irishman" clôt de manière magistrale un cycle essentiel de l'oeuvre de Martin Scorsese, commencé en 1990 par "Les Affranchis", repris en 1995 avec "Casino", puis longuement interrompu jusqu'à ce film crépusculaire dont les ressemblances avec les films précédents mettent à jour une trilogie dont l'importance est accentuée par leurs différences. La comparaison avec "Rio Bravo", "El Dorado" et "Rio Lobo", le cycle de westerns tardifs de Howard Hawks, est irrésistible, Martin Scorsese étant l'héritier - on est tenté de dire le dernier héritier - de la rencontre fructueuse de l'art et du commerce à Hollywood. Mais si les rapports entre les deux trilogies sont nombreux, notamment en ce qu'elles représentent toutes deux l'aboutissement de la collaboration entre un auteur et son acteur fétiche (Scorsese et Robert De Niro, Hawks et John Wayne), elle n'est pas tout à fait juste : avec sa trilogie de westerns, Hawks s'essaie à l'auto-remake, revenant à une trame narrative comme un peintre revient au même paysage. Scorsese, lui, varie les histoires mais creuse les thèmes -à commencer par la tentation, la corruption, la violence et la trahison qui habitent une âme et se répandent à travers une société- et recourt à une forme ample, où le récit à la première personne de l'ascension et de la chute du protagoniste est fait d'accélérations, de ralentissements, d'aller-retours dans le temps, d'incidents plus que d'événements. Pour conclure, l'entretien avec Martin Scorsese, intitulé "Toute une vie".