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Buster Keaton, une poétique de l'espace

Numéros de page :
pp.90-110
A l'ère du muet, le cinéma burlesque américain était dominé par deux géants : Chaplin et Keaton. Le parlant fut fatal au second, accablé de problèmes personnels, abandonné par les grands studios et servant de faire-valoir dans des films médiocres, tandis que Chaplin, producteur et propriétaire de ses films, les sonorisait et les ressortait dans des copies neuves tout en continuant à tourner des chefs-d'oeuvre, "Les Temps modernes", "Le Dictateur", "Monsieur Verdoux" et "Les Feux de la rampe", où il offrait enfin à Keaton un rôle mémorable. Après trente ans d'absence, il fallut la grande rétrospective de la Cinémathèque française en 1962, qui présenta les films sauvegardés par le collectionneur américain Raymond Rohauer, pour que Keaton brille de nouveau de tous ses feux. La critique française, plus préoccupée de mise en scène qu'aujourd'hui, trouvait alors dans ses plans-séquences et sa profondeur de champ un écho à ses préoccupations esthétiques qui lui faisaient valoriser aussi Mizoguchi, Murnau ou Renoir et préférer le réalisateur du "Mécano de la "General"" à celui des "Lumières de la ville". Cette nouvelle gloire trouva son acmé au festival de Venise en 1965, où il fut célébré en sa présence, peu avant sa disparition l'année suivante. Puis Chaplin retrouva peu à peu sa prééminence par la régulière programmation de ses films restaurés et des expositions imposantes, vu la richesse de ses archives. Ces derniers mois, les films de Keaton ont connu en France une nouvelle actualité avec la programmation de copies restaurées, et c'est ce dont ce dossier voudrait témoigner. Des rédacteurs de "Positif" avaient déjà contribué, par leurs livres de référence (Robert Benayoun, Jean-Pierre Coursodon) et leurs études mémorables (Petr Kral, Vincent Amiel), à l'exploration de son oeuvre. Ce dossier propose de nouveaux éclairages sur un des génies du cinéma. Sommaire. La conquête de l'espace. Le partage des sentiments. La mélancolie de l'acrobate. Le regard de Buster Keaton : un présent éternel. Quand surgit l'Histoire, analyse de l'ouverture du "Mécano de la 'General'", 1926. Keaton à Venise, entretien avec Buster Keaton par John Gillett et James Blue.