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Faut-il filmer les procès ?

Numéros de page :
pp.20-21
C'est une mesure qui devrait être discutée à l'Assemblée nationale à la mi-mai, et pourrait bousculer le quotidien des tribunaux français : le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, souhaite que la justice soit désormais "totalement filmée et diffusée" à la télévision. Par toute la justice, il faut comprendre toutes les juridictions, mais pas forcément tous les procès. Il serait en effet ardu de filmer exhaustivement quelque 800 000 décisions rendues tous les ans au pénal et plus de 2 millions au civil. Une sélection sera-t-elle donc opérée ? Mais sur quels critères ? Il n'existe pas encore de réponses à ces questions. C'est en tout cas une rupture avec la tradition française, qui a banni micros, caméras et appareils photo des salles d'audience depuis les années 1950. Seules exceptions : les procès "présentant un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice", à peine une dizaine jusqu'ici (ceux de Klaus Barbie, des attentats de janvier 2015...), auxquels s'ajoutent quelques rares documentaires. Véritable serpent de mer, l'idée de capter les procès avait déjà été creusée en 2004. Le rapport adressé au garde des Sceaux de l'époque, Dominique Perben, penchait en sa faveur... mais énumérait aussi une longue liste de risques, notamment celui de tomber dans une justice spectacle. Le ministre Eric Dupond-Moretti jure, lui, que la captation sera un outil pédagogique pour des citoyens qui méconnaissent trop le fonctionnement de la justice. Mais à une époque où la haine atteint des sommets sur les réseaux sociaux, on en vient à redouter que cette réforme ne donne surtout des armes supplémentaires aux lyncheurs de tout poil.