Homme de goût ou goût de prince ? Jacques Ier de Monaco, 1689-1751, amateur de peinture
Bulletin : Revue historique 683 - juillet 2017
01 juillet 2017
Auteurs
Numéros de page :
pp.541-566
Les collections artistiques du palais de Monaco font l'admiration de tous les voyageurs qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, partent à la découverte de cette souveraineté entrée, en 1641, dans la mouvance du roi de France. Les princes, ou leurs représentants, s'efforcent de fournir à chaque visiteur, par l'abondance de tableaux, de sculptures, de pièces d'orfèvrerie, exposés dans le palais, des preuves de gloire, d'ancienneté et de puissance de la dynastie, de justifier, in domo sua, le rang de princes étrangers, auquel les Grimaldi prétendent à la cour de France. Cette volonté d'ostentation, étendue à une résidence parisienne qu'il faut embellir, motive le transfert d'une partie des collections, de Monaco vers Paris, entre 1732 et 1740. Car Monaco n'est plus alors dans Monaco, il est là où le prince et les siens sont : à Paris, dans l'hôtel de la rue de Varenne ; en Normandie, dans le château de Torigni. Né Français, dans la famille de Matignon, Jacques Ier abandonne le gouvernement de la principauté après un court règne personnel (1731-1733) qui suit la mort de son épouse, la princesse Louise-Hippolyte. Il enrichit les anciens trésors picturaux des Grimaldi, dominés par les peintres d'au-delà les Alpes, d'originaux ou de copies du Bassan, de Titien, du Guide, mais aussi de Breughel de Velours, de Véronèse, de Rubens, de Rembrandt, de Van Dyck, de Paul Bril, de David Téniers, du Bamboche, de Poussin, de Bourdon, de Mignard... La collection vit au rythme irrégulier des achats, des encadrements, des restaurations, des commandes à des peintres parisiens ou monégasques, des déménagements, intra et inter-résidences. La reproduction sous forme de gravures permet de publier les pièces les plus remarquables du cabinet et d'affirmer ainsi un rang familial. Amateur de valeurs sûres des siècles passés, Jacques Ier de Monaco, redevenu duc de Valentinois, apprécie aussi les artistes de son temps, Watteau, Nattier ou Boucher. Un goût particulier pour l'école flamande transparaît. Chez lui, la collectiomanie, multiforme – des monnaies et médailles aux marbres et aux bronzes, antiques ou modernes, en passant par les livres, les porcelaines, les tapisseries –, n'est donc pas seulement affaire de mode, réflexe de classe ou d'ordre, volonté d'illustrer une fama dynastique, mais véritable plaisir, partie intégrante d'une identité personnelle.