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Les Vies du « trésor de Ségou »

01 octobre 2018
Auteurs
Numéros de page :
pp.869-898
Lors de la prise de Ségou (Mali actuel) en avril 1890, le corps expéditionnaire dirigé par Louis Archinard (1850-1932) saisit une grande quantité d’objets précieux et de livres appartenant à ce que l’on appelle alors le « trésor d’Ahmadou ». Assez rapidement, une commission fut mise en place pour décider du destin à donner aux différentes pièces collectées durant la campagne. Plusieurs caisses d’objets variés furent expertisées à l’époque, d’abord sur place. Artefacts et livres furent alors catégorisés, dispersés et classés en fonction de leur valeur artistique et ethnographique supposée. La collection fut exposée dans différentes institutions françaises en fonction des significations successives qu’on lui assigna, jusqu’à disparaître dans les réserves du Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie. Cet article analyse ce que la collecte, le tri puis l’exposition de ces objets révèlent des pratiques coloniales et muséales à l’époque. Le rôle des différentes institutions impliquées dans la conservation et l’exposition de ces artefacts est ainsi révélateur des multiples impératifs, critères et cloisonnements qui structurèrent les usages de ces objets en métropole. Ce travail ne se limite pas à une approche du seul moment colonial de la biographie sociale de ce « trésor ». Il vise aussi à reconstruire son élaboration avant 1890 et ses significations vernaculaires, à la lumière des documentations locales et de ce que l’on peut dire des objets en tant que tel aujourd’hui. Ses réappropriations au fil des dernières décennies au Sénégal et au Mali sont aussi observées pour retrouver les histoires multiples et connectées que reflètent les parcours heurtés du « trésor de Ségou ». Ce faisant, cette étude illustre la nécessité de redonner leur histoire aux objets capturés lors des conquêtes coloniales car elle défie souvent les simplifications hâtives.