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Dans la noirceur en engelures, les âmes frêles chantent

01 mars 2017
Numéros de page :
6 p. / p. 291-296
"O glace, glace universelle, prison / Tout ce gel étoilé au-dessus de nous" : daté de janvier 1973, le bref poème sans titre traduit par Henri Abril révèle un monde russe entièrement cloisonné de gel, une sorte de cage blanche, "comme si l'Hiver, l'antique Hiver / S'était habillé de prunelles claires, / Et il nous scrute du fond de la Neva". Loin du soulèvement kantien devant le parallélisme entre "le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi" qu'ils réécrivent au noir, quelques vers courts révèlent l'écrasement dans un piège de glace panoptique : l'oeil froid "nous lit, nous peau vivante, / Comme des lettres - de la tête aux pieds". La densité que seule peut manifester l'écriture poétique nous donne ici à la fois une vision, et une énigme : à la lecture, l'esprit se représente parfaitement le monde décrit, mais se trouve retenu par l'image finale, dont on sent physiquement l'intérêt avant même d'en découvrir la richesse, c'est-à-dire l'ambiguïté.