Capitalisme, crises de trésorerie et donneurs d'avis
Bulletin : Revue historique 655 - juillet 2010
01 juillet 2010
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Numéros de page :
/ p. 577-608
Cette étude analyse les crises de trésorerie de 1783 et 1787-1788 comme points de rupture dans le temps long de l'histoire socioéconomique et sociopolitique de l'Etat. La crise de trésorerie est en amont un dérèglement des circuits capitalistes habituels d'alimentation du Trésor, un dérèglement de l'Etat qui cesse de payer ses billets et une remise en cause, en aval, du lien politique qui unit l'organisation publique et ses créanciers. Une crise de trésorerie ne peut se saisir qu'à partir d'une connaissance plus large de l'organisation financière dont elle bloque les rouages. Les crises françaises de 1783 et 1787 n'échappent pas à cette exigence, et nous souhaitons ici en faire une analyse renouvelée. Larticle revisite les mécanismes de banqueroute à la lumière des choix de gestion comptable adoptés dans les années 1720, en montrant comment ces choix ont lesté le poids des intermédiaires financiers maîtres de la trésorerie du royaume, mais aussi comment ils ont joué sur les conditions de négociation du crédit public. Le recours-panique à la rente dans le courant des années 1780 a consolidé une nation de créanciers dont l'assise sociale s'est élargie et dont les avis, exprimés à l'intention de Necker, tranchent avec ceux des patriotes.