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Entre salubrité, conservation et goût

01 janvier 2016
Numéros de page :
25 p. / p. 57-81
Cet article montre les changements dans la définition de la qualité des vins en France, du XVIe siècle au début du XIXe siècle, considérant le goût comme une construction sociale influencée par différents facteurs (culturels, sociaux, économiques). Au XVIe siècle, la définition du bon vin repose largement sur des critères médicaux hérités de l'Antiquité, fondés sur la théorie des humeurs. Le vin est un facteur de bonne santé, en fonction de ses caractéristiques : couleur, âge, consistance, goût, origine... Chaque individu ayant des besoins différents, cette trame qualitative ne génère pas de hiérarchie très nette entre les vins. A partir du milieu du XVIIe siècle, le critère du goût est mis en valeur, détaché des éléments médicaux. Le bon vin doit avoir un goût fin, une couleur délicate, des arômes secondaires (fleurs, fruits), que l'homme distingué doit connaître et apprécier. Certains vins sont réputés posséder ces qualités, et leur consommation devient socialement obligatoire : Champagne, Bourgogne, puis Bordeaux. Une hiérarchie stricte fondée sur le goût apparaît au XVIIIe siècle entre les vignobles, et aussi entre les crus. Cette hiérarchie donne naissance à un classement fermé, dont les classes correspondent aux catégories sociales. La qualité devient donc mesurable, transparente. En 1816, André Jullien dresse un classement des vins de France, à partir d'une démarche presque mécanique fondée sur un goût considéré comme objectif et absolu.