La pensée d'Adorno, à l'exception de celle contenue dans ses ouvrages de théorie esthétique, principalement dans ses essais sur l'art et la musique, a connu une longue éclipse. Plusieurs facteurs d'ordre intellectuel, historique et social, expliquent cet effacement : l'intérêt porté, depuis la fin des années soupçonneuses, à la philosophie et à la sociologie anglo-saxonnes ; les nouveaux visages du capitalisme qui questionnent l'opérativité des cadres analytiques du marxisme ; la recherche du consensus démocratique avec, pour corollaire l'abandon du concept de « lutte des classes ». A cela viendrait s'ajouter l'intégration des masses populaires à la société de consommation, avec pour conséquence une acceptation du statu quo social. Ce phénomène, en détruisant les bases sociologiques ainsi que les cadres conceptuels de la théorie critique d'Adorno, aurait, pense-t-on, ruiné du même coup son projet émancipatoire.