Forcer les médecins à aller dans les déserts médicaux ?
Bulletin : L' Obs novembre 2022
10 novembre 2022
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pp.18-19
Le diagnostic est unanime : la France souffre d'un manque de médecins et la difficulté d'accès aux soins ne cesse de croître. Le 8 novembre, l'UFC-Que Choisir a publié une étude accablante sur la fracture sanitaire : un Français sur cinq vit à plus de quarante-cinq minutes de route d'un ophtalmologue, un quart des femmes, d'un gynécologue, et 27% des enfants, d'un pédiatre. Plus de 15 millions d'habitants sont éloignés de tout généraliste. Si l'on ne prend en compte que les seuls médecins ne pratiquant pas de dépassement d'honoraires, c'est bien pire : 47% des enfants sont à plus de quarante-cinq minutes de route d'un pédiatre, 43% des femmes, d'un gynécologue, et 63% des habitants, d'un ophtalmologue. On peut donc être consterné par les récents propos du ministre de la Santé, François Braun, déclarant qu'on ne conduit pas un enfant aux urgences pour une bronchiolite : sans médecin à proximité, quelle alternative ont les parents ? Des députés de différents bords avaient déposé des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui mentionnait « l'obligation » pour les internes en médecine générale d'ajouter une année à leurs études, et de la passer dans un désert médical. Le texte gouvernemental, adopté avec un 49.3, parle lui de « priorité ». Cette mesure cristallise les oppositions, mais c'est le système tout entier qui doit être réformé. Le numerus clausus, cette limitation du nombre d'étudiants en médecine décrétée tous les ans par l'Etat, a duré de 1971 à 2020. La démographie étant une science aux résultats prévisibles longtemps à l'avance, comment les gouvernements successifs ont-ils pu laisser la situation dégénérer à ce point ?