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Pierre Guyotat : "Nous ne sommes qu'une étape..."

01 décembre 2022
Numéros de page :
pp.150-154
Après avoir sombré dans le coma en 1981, terrassé par le travail et l'audace même de ses écrits, Pierre Guyotat, certain qu'il ne produirait plus une seule ligne, va toutefois trouver la force de se relever, l'émotion de ressentir "sa chair qui bouillonne", "qui se reforme autour des muscles, des cartilages et des os", lui inspire trois grands monologues. L'extrait qui suit se situe à la fin du dernier et provient d'un manuscrit inédit. Achevée en août 1987, cette version de "Bivouac", destinée à être proférée sur la scène d'un théâtre, sera représentée l'hiver 1987, dans le cadre du Festival d'automne, au théâtre de la Bastille, à Paris. Un jeune "proxénète", GrosMoussa, rappelle à son "Père" le lien qui l'unit à celui qu'il entend honorer de toutes ses forces en soumettant ses trois "saints putans", Lucan, Wajdi et Traian, aux saillies de bandes d'hommes. Il convient de souligner l'exceptionnelle singularité de ce récit qui progresse sous forme de voix : pour la première fois, ces pages rédigées dans une langue sans cesse en mouvement, remodelée par une nécessité artistique émanant de l'intérieur et soucieuse autant de sons, de rythmes que de sens, ont été dictées, improvisées : elles mettent en scène le don, l'offrande du corps rôti du sosie de Lucan, Adao, qui servira de nourriture aux putains pour que puisse s'accomplir le "pacte divin".