Chroniques de l'innommable
Bulletin : Cahiers du cinéma décembre 2021
01 décembre 2021
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Numéros de page :
pp.88-89
L'art du serial est affaire de liaison et de déliaison. Ce qui a été construit par un épisode doit être défait par le suivant, et ainsi de suite. Il ne s'agit pas seulement de tenir le spectateur en haleine, mais de temporiser, de retarder l'échéance incertaine, de remettre à plus tard le verdict que renferme toute entreprise fictionnelle. Cette procrastination en son coeur figé fait toute la beauté de ce type de récit, dont la course en avant n'est jamais qu'une façon de côtoyer le vertige du présent, et l'impermanence une figure de permanence plus profonde, un éternel retour des êtres dans une valse miroitante de motifs. C'est en tout cas ce qui frappe dans "Judex" (1916) et "Tih-Minh" (1919), deux splendides serials de Louis Feuillade, ou plutôt « ciné-romans » comme mentionnés aux génériques, que Gaumont rend enfin disponibles en DVD et Blu-ray, après les éditions désormais mythiques de "Fantômas" (1913-1914) et des "Vampires" (1915).