Le Chômeur et le chronomètre. Course contre la montre à Pôle emploi
01 décembre 2017
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Numéros de page :
pp.26-47
La rationalisation de l'action publique découle de deux contraintes, la contraction des budgets et l'accroissement du public de l'administration. A Pôle emploi comme ailleurs, elle requiert la participation des conseillers. Sous une pression temporelle forte, et dans le cadre de plannings construits au quart d'heure près, ils livrent une lutte quotidienne pour dégager du temps et limiter le travail caché qui déborde sur les temps morts (pauses, interstices entre les entretiens, repas, heures supplémentaires voire hors travail). Ils luttent également pour intercaler leur propre définition de l'efficacité dans le jeu entre le discours de l'institution et l'appropriation du public. Dans l'impossibilité de remettre frontalement en cause le management par objectif et la rationalisation de leur administration, ces derniers cherchent au contraire à accroître leur rendement pour bénéficier de temps libre, dont ils maîtriseraient le cadrage, notamment dans les coulisses des agences. Mais cette lutte quotidienne se heurte à plusieurs difficultés, qui réduisent les opportunités d'encadrer les temps de travail en présence du public. Le maintien de l'ordre institutionnel, les irruptions biographiques et la pédagogie des prestations, chacune adaptées à différents publics cibles, menacent le monopole des conseillers sur le déroulé des interactions. La rencontre entre des espaces administratifs normés et des personnes aux caractéristiques non-anticipées par les lignes directrices, rétifs ou ignorants de l'institution, tend alors à paralyser l'action publique.