"Ma mère ressemble à Victoria Beckham, espèce de grosse vache !" Décochée par une gamine de la banlieue londonienne - qui pourrait bien s'apparenter à la réalisatrice elle-même -, à la face d'une voisine qui menaçait d'appeler les services sociaux, la punchline inaugurale de "Wasp" (2003) semble contenir tout le cinéma d'Andrea Arnold. Un style réaliste, nerveux et désenchanté qui lui a valu un Oscar avant même de réaliser son premier long-métrage, puis trois prix du jury au Festival de Cannes, pour "Red Road" (2006), "Fish Tank" (2009) et "American Honey" (2016). Un record. Il faut dire que la Britannique filme les paillassons des grandes métropoles comme personne, en se rendant directement sur place, caméra au poing, et en laissant libre cours à l'improvisation. Une méthode héritée du Dogme95 des Suédois Lars von Trier et Thomas Vinterberg, à laquelle il faut ajouter une bonne dose de poésie. Elle s'est faufilée dans les tours les plus chaudes de Glasgow - aujourd'hui détruites -, a loué deux vans et sillonné les routes du Midwest en compagnie d'une bande d'acteurs amateurs - et de Shia LaBeouf-, et a filmé le quotidien d'une vache laitière sur plusieurs années dans le sublime "Cow" (2021). D'aucuns font des films d'aventure ; les tournages d'Andrea Arnold sont une aventure. Elle revient aujourd'hui dans son Kent natal avec "Bird" (en salles le 1er janvier), l'envolée d'une adolescente très "arnoldienne" qui se lie d'amitié avec un mystérieux homme oiseau (Franz Rogowski) et tente de se laisser apprivoiser par son paternel, Barry Keoghan. En voilà un, d'ailleurs, qui semble né pour se glisser dans l'univers de la Britannique, irréprochable lorsqu'il fait sécréter un crapaud hallucinogène à l'aide d'un vieux tube de Coldplay envoyé à plein volume. Rencontre avec la plus mystérieuse des cinéastes, qui sait cultiver la rareté pour mieux se livrer et a, enfin, accepté de s'épancher avec nous sur sa drôle de carrière. En attendant de nouvelles péripéties.