L'écrivain, qu'il le veuille ou non, est un homme engagé dans l'univers du langage. Nommer, c'est changer, transformer. L'activité littéraire est donc une expérience de liberté, qui varie suivant les époques. Cette conférence, prononcée en 1946, s'achève sur des propositions d'action, sous la forme de protestations mais surtout de réflexion. Tout public. (Livres hebdo : livres du mois, 10, 1998)

Qu'ils y reviennent ou le quittent sans espoir de retour, qu'ils en poursuivent le souvenir ou cherchent à lui échapper, qu'ils y vivent seuls ou dans le huis clos infernal d'une famille, les personnages de ces nouvelles affrontent le secret de leur existence à travers un lieu auquel ils sont liés : maison, jardin, contrée ou île.

Partir, une nécessité aussi irrépressible qu'irraisonnée, jette Anselme, un matin de novembre 1823, sur les chemins qui, d'une petite ville des bords de Loire, mènent à Paris. Il imagine, porté par les lettres de son ami Simon qui fréquente Géricault, un monde fait de couleurs, bouleversant et troublant, qu'il exprime depuis trop longtemps dans un art qui ne répond plus aux besoins du temps.

Un roman de politique-fiction, conte philosophique, métaphore baroque, que Dombrovski commença en 1943 sur un lit d'hôpital, après quatre ans d'internement dans un camp sibérien. En 1948, le roman est qualifié de cosmopolite fasciste, et son auteur est renvoyé pour dix ans en Sibérie. Il le reprend et le termine à sa sortie, en 1958.

Reprise d'une réflexion entamée avec la parution en 2003 de Jean Genet à Chatila et prolongée à partir de deux questions : celle du tabou et celle de l'engagement politique. L'antisémitisme de Genet, dans sa singularité et au revers d'une écriture dont la violence ne serait neutralisée par aucune catharsis, est au coeur de cette problématique.

Le théoricien du cinéma s'applique à décrire les spécificités de la miniature persane, cet ornement d'une pureté et d'une luminosité rares très distinct des peintures chinoises et occidentales.

Gordon Koum revient dans une ville détruite. Tous ceux qu'il aime reposent sous les décombres. Lui-même, irradié, va mourir. S'adressant à un pantin noirci et à la dépouille miraculeusement intacte d'un rouge-gorge, mais, au-delà, à ses enfants, à sa femme et à ses camarades disparus, il raconte des petites histoires bizarres, cruelles, tendres, teintées d'humour noir.

La couleur du noir, nouvelle qui ouvre ce recueil, met en scène l'insurrection malgache de 1947 et dévoile l'ampleur d'une machination meurtrière. De la même manière, les autres récits font allusion à des situations, des souvenirs, des événements ou des destins qui font le lien entre passé et présent.

Récit d'un voyage à la recherche d'Eugenio Ramonti, le protagoniste de Vol du pigeon voyageur et de La jubilation des hasards, disparu quelque part en Mongolie, guidé par une série de personnages emblématiques : un Chinois qui maîtrise ses rêves, une chamane mongole, une Sibérienne qui fréquente l'invisible, un jeune garçon apprenti chaman, etc.

Yuna, Japonaise venue étudier en Allemagne, réside à Hambourg. Lorsque son chat meurt, elle décide de changer d'horizon. Son amie Renée lui suggère un séjour à Bordeaux pour y apprendre le français. Accueillie par Maurice, le beau-frère de Renée, Yuna entame un voyage dans la ville et dans son passé, tel un itinéraire initiatique et une mise à l'épreuve.

A près de 70 ans, le poète contemple sa vie passée et multiplie les échos avec ses recueils précédents en tentant un ultime renouvellement de sa poétique. Dans ce recueil, les souvenirs d'endroits marquants de la vie de Yeats ont pour contrepoint les évocations d'une série de lieux idéaux tels que Byzance. Dernier volume de la traduction de ses oeuvres poétiques complètes.

Démêle avec talent l'écheveau complexe des discours sur l'art, la société et le langage, qui se noue depuis un siècle autour de l'insaisissable idée de modernité.

Cette réflexion théorique et esthétique propose d'analyser une scène-clé dans la littérature, le cinéma et les arts plastiques, le thème de la montre cassée, en parcourant les époques et les lieux pour en observer la récurrence sous ses diverses formes. Plus qu'un simple dysfonctionnement, cette scène autorise la formulation de propositions neuves sur le rapport de l'homme à la temporalité.

Les souvenirs d'une enfance rurale marquée par la mort, les rites catholiques, la rébellion contre l'univers paternel, la transgression, se mêlent aux récits de rêve, aux lectures, aux images de films. Le narrateur finit par se dédoubler, devient foetus, puis plonge dans le peau d'un travesti, Jakow Menschikow. La démultiplication de ces instances narratives empoigne le réel puis l'anéantit.

Sam déprime depuis que Laura l'a quitté et ne parvient pas à terminer sa traduction d'Hamlet. Il se voit obligé d'héberger Baba, son grand-père fantasque en fugue. Il découvre l'histoire secrète de ses aïeuls, celle d'une amitié contrariée entre les familles de deux résistants communistes. En écoutant et écrivant ce récit, Sam renaît à la vie à mesure qu'il se laisse habiter par celle de Baba.

Une suite de quinze récits brefs dans laquelle l'auteur entreprend une quête du toucher, évoquant le souvenir de sensations tactiles issues de l'enfance. L'ennui a constitué un apprentissage inéluctable avec lequel l'enfant devait compter. Pour mieux le tromper et contrecarrer l'attente, M. Jullien crée ce qu'il appelle des compagnies tactiles, connivences particulières avec une série d'objets. (Electre)

« À quoi cela sert-il, finalement d'être un écrivain, ou même un simple lecteur, un praticien ou un accompagnateur d'écriture ? » À cette question répondent, chez Pierre Michon, d'autres questions : « Qu'est-ce qui transforme une existence en une " vie " ? », ou encore : « Pourquoi se met-on à écrire, à peindre ? ». Guidé par ces interrogations, Jean-Pierre Richard chemise à travers des oeuvres qui, des Vies minuscules à Maîtres et serviteurs, de Rimbaud le fils à Vie de Joseph Roulin, sont toujours hantées par leur propre origine. Au fil de plusieurs études, chacune liée à un livre ou à un personnage de Michon, le critique trouve des indices sur ce qui fait le monde et ce que peut y faire l'artiste, ou simplement l'homme. La recherche est méticuleuse, elle explore la matière même des textes : les mots et les choses s'y entremêlent pour nous laisser apercevoir, au travers des personnages et de leur inscription dans un paysage, dans un style, ce qui déclenche chez l'écrivain lui-même la vocation de l'écriture.

Le narrateur, devenu vieux, se remémore son enfance, tout entière captive de l'amour inquiet et jaloux qu'il porte à sa mère. Tendresses et consolations peuplent leurs silences et leurs paroles. Face au deuil de sa mère, il accomplit un voyage dans le temps qui le métamorphose.

Marie reçoit tous les ans un bouquet de 40 roses envoyé par Max, son mari. Ce rituel partant d'une délicate attention la met en réalité face à la cruelle vérité : elle n'a plus 40 ans depuis longtemps. Héritière d'une dynastie de grands couturiers, elle assiste à la fin de son monde, en même temps que s'opère la montée du nazisme. ©Electre 2016

Voici un voyageur anglais – William Burchell – qui, à l’orée du dix-neuvième siècle, parcourt les immensités brûlantes de la colonie du Cap, à l’extrémité de l’Afrique. C’est un peintre amateur ; il cherche un paysage pittoresque qu’il puisse décrire et dépeindre à ses lecteurs. Sait-il que ce qu’il cherche est en réalité un panorama composé pour un œil éduqué par les maîtres du paysage classique tels que le Lorrain ou Gainsborough ? Sait-il que l’idée du sublime, qu’il a emportée avec lui en quête d’autres beautés, est peut-être impropre à restituer les sentiments qui naissent de la lumière, de l’aridité, des solitudes de l’autre hémisphère ? Coetzee pose la question : À quel risque s’expose l’imagination de celui qui accepte non seulement de quitter ses paysages familiers, mais de s’en défaire ?