Les grandes oeuvres ont souvent un tournant d'avance. On ne s'attendait pas à retrouver le cinéaste des grandes conversations et des contes urbains dans un village montagneux, au côté d'un père bûcheron taiseux confronté à l'installation prochaine d'un site de « glamping » (camping glamour) au mépris de l'eau et de la faune locales. Dans les paysages qui portent la musique d'Eiko Ishibashi, Ryusuke Hamaguchi a tourné une fable écologique magistrale, qui verse dans le drame en retenant ses effets et son message.

Modeste, "Le Mal n'existe pas" ajoute une nouvelle pépite à une oeuvre éblouissante. Conversation avec son auteur, Ryusuke Hamaguchi.

OEuvrant toujours sur le temps suspendu, les actions inachevées, Ryüsuke Hamaguchi construit avec "Le mal n'existe pas" un film ancré dans le réel sans pour autant s'y assujettir. Fable sociale, prise de position écologique forte, observation de psychés, construction poétique, le film est tout cela à la fois, mais de manière insolite.

Le plaisir éprouvé devant un film de Ryûsuke Hamaguchi tient beaucoup à l'imprévisibilité de ses récits, mus par le tourbillon des sentiments. Chose inédite : si les surprises sont nombreuses dans "Le mal n'existe pas", elles ne semblent pas venir des individus eux-mêmes mais d'une force qui les dépasse, échappée d'un tiroir que le cinéaste n'avait pas encore ouvert - la nature, le monde des non-humains, toutes ces vies menées à l'écart des villes et des chambres autour desquelles Hamaguchi, citadin des pieds à la tête, a l'habitude de broder ses épopées intimes. Sommaire.