Ce qui frappe d'abord, c'est la dualité fondamentale de l'oeuvre. À commencer par ces deux colonnes qui soutiennent le grand édifice des "Troyens" : la tragédie d'un peuple assassiné par traîtrise, puis le drame de Didon abandonnée par Énée. Deux influences majeures ensuite, celles qui donnent la clé de la personnalité de Berlioz : Virgile et Shakespeare. Avant que ne se pose l'éternelle question de préséance entre la musique et les paroles, entre le souffle dramatique et la véhémence musicale, entre les styles de Gluck et Mozart, Rossini et Wagner...

L'Opéra Bastille dorme cette année l'intégrale des "Troyens", cet opéra gigantesque de Berlioz que le musicien lui-même n'a pas pu voir, de son vivant représenté dans sa totalité. On sait les difficultés que rencontra Berlioz jusqu'à ses derniers jours. "Benvenuto Cellini" en 1838, "La Damnation de Faust", en 1846, s'étaient heurtés à l'incompréhension des critiques et du public ; "L 'Enfance du Christ", dont la première audition eut lieu en décembre 1854, connut un succès qui encouragea Berlioz à écrire un opéra tiré de Virgile, opéra auquel il songeait depuis longtemps.