Irène Némirovsky fut déportée en 1942 à Auschwitz et n'en revint jamais. L'une de ses deux filles, E. Gille, écrit ici l'autobiographie "rêvée" de cette mère perdue à l'âge de cinq ans. Grâce à des témoignages et des écrits intimes, elle reconstitue la vie d'une romancière talentueuse, issue de la haute bourgeoisie israélite de Russie

En 1918, Albert Cohen, juif ottoman, jeune étudiant sans le sou, est sous le coup d'une passion charnelle avec une aristocrate hongroise lorsqu'il rencontre Elizabeth Brocher, fille d'un pasteur genevois. En dépit des réticences de ses parents, il va épouser cette douce espiègle issue d'un milieu pieux, éprise d'emblée, intimidée par son regard brûlant. Hier sujette aux troubles neurasthéniques, l'obscure Zabeth devient femme-disciple, femme-servante du futur écrivain. Elle est entrée en religion pour être son épouse, veut même se convertir au judaïsme pour se rapprocher de lui. Elle l'adore « avec des accents mystiques de religieuse se donnant au Christ ». Quand Albert part en Egypte pour trouver un emploi, traverse de sombres périodes de dépression, elle lui envoie des lettres débordantes d'un douloureux amour. Elle souffre de son absence, son silence. « Mon Bien-Aimé, écrit la Belle à son Seigneur, sans toi c'est pire que la mort. » Il rentre tuberculeux, et la retrouve cancéreuse, toujours docile, soumise. Elle succombe à son mal en 1924. Laissant un veuf qui connaît d'autres émois avec des « merveilleuses » et une petite fille, Myriam, auteur de ce petit livre-hommage à ses parents composé avec dévotion. L'épouse exemplaire, trop vite effacée, ressuscite ici, glorieuse dans sa fidélité au disciple du prophète. Le grandiose écrivain, apparaît avec ses naïvetés, son cynisme parfois, et son honnêteté, brocardant les femmes qui ont l'« eczéma du mariage » et avouant sa lassitude du face-à-face conjugal.

En 1991, Paula, la fille de l'écrivain, sombra dans un profond coma. Ce fut durant les mois qu'elle passa à son chevet et pour exorciser l'angoisse du moment qu'Isabel Allende (nièce du président du Chili Salvador Allende) reconstruisit son passé et celui de sa famille.

A partir de notes prises sur le vif, au jour le jour, l'auteure présente sous la forme d'une chronique de situation de crise entre une mère et sa fille, un phénomène contemporain : comment cela se passe-t-il entre les parents et leurs enfants qui, entre 20 et 25 ans, sont encore des ados et déjà de jeunes adultes ? Comment les uns et les autres vivent-ils le départ des enfants du cocon familial ?

Irène Némirovsky fut déportée en 1942 à Auschwitz et n'en revint jamais. L'une de ses deux filles, E. Gille, écrit ici l'autobiographie "rêvée" de cette mère perdue à l'âge de cinq ans. Grâce à des témoignages et des écrits intimes, elle reconstitue la vie d'une romancière talentueuse, issue de la haute bourgeoisie israélite de Russie.

A la mort de sa mère, la narratrice plonge dans les souvenirs et se laisse guider par les photos et les documents qu'elle trouve dans l'appartement de la défunte. Elle retrouve la petite fille qu'elle était, l'univers chaotique de son enfance, ses nombreux séjours en Afrique, le divorce de ses parents... mais elle découvre aussi qu'au-delà du désir obsessionnel de partir qui a guidé sa mère tout au long de son existence, "sa vie africaine" a donné un sens à sa destinée, elle se rend aussi compte que cette mère de qui elle s'est progressivement éloignée au cours des ans reste une part d'elle-même. Un très beau récit.

L'auteure dresse un hommage funèbre à sa fille, à travers des réflexions sur la mort, la maternité, l'enfance, la maladie, la vieillesse.