Pouvoir de l'horreur Pourquoi l'abjection? Pourquoi y a-t-il ce " quelque chose " qui n'est ni sujet ni objet, mais qui, sans cesse, revient, révulse, repousse, fascine? Pourquoi de l'abject? Ce n'est pas la névrose. On l'entrevoit dans la phobie, la psychose. Il s'agit d'une explosion que Freud a touchée mais peut-être aussi évitée, et que la psychanalyse, si elle veut aller plus loin que sa simple répétition, devrait être de plus en plus pressée d'entendre. Car l'histoire et la société nous l'imposent. Dans l'horreur. Les rites, les religions, l'art ne feraient-ils rien d'autre que de conjurer l'abjection? D'où l'étrange révélation de la littérature : Dostoïevski, Lautréamont, Proust, Artaud et, de façon sans doute hypersymptomatique, Céline. Le voici maintenant cet habitant des frontières, sans identité, sans désir ni lieu propres, errant, égaré, douleur et rire mélangés, rôdeur écoeuré dans un monde immonde. C'est le sujet de l'abjection.

Louis-Jean Calvet a retracé I'itinéraire qui mena, hors des chemins tracés, ce « pupille de la nation » tout juste licencié de Lettres au Collège de France. Il ne tait rien, ni la gêne matérielle de l'enfance, ni les années noires de la maladie qui font bifurquer son destin. Ni les difficultés des débuts littéraires, ni les années brillantes et les succès mondains, pas plus que les fragilités d'un homme doutant sans cesse de sa pensée. François Mitterrand, Claude Lévi-Strauss, Philippe Sollers, Edgar Morin, A-J. Greimas, Maurice Nadeau, Philippe Rebeyrol et bien d'autres, illustres ou inconnus, ont accepté de raconter, de confier lettres et souvenirs. Ainsi, trait après trait, indice après indice osera-t-on dire, se dessinent la vie complexe et l'évolution intellectuelle et politique d'un des analystes les plus aigus des signes par lesquels s'est parlé notre temps. Louis-Jean Calvet a publié de nombreux ouvrages sur la langue et la société. Il est également l'auteur dun ouvrage consacré á Roland Barthes (Roland Barthes, un regard politique sur Ie signe).

De son vivant Paul de Man n'a publié que deux livres "Blindness and insight" (1971) et "Allegories of reading" (1979), considéré unanimement et à juste titre comme son oeuvre fondamentale. On voit en effet s'y rassembler les grands motifs d'une interprétation originale de la philosophie, du langage, de la littérature, de la rhétorique et de la politique. Cette interprétation s'avance à travers des lectures toujours singulières et inventives. Elle noue en une sorte d'idiome théorique inédit des traditions qui restent souvent intraduisibles l'une à l'autre : une déconstruction dont le style paraît plutôt lié à la philosophie continentale, une critique de la tradition des formalismes et du "New Critiscism", une pragmatique et une théorie du "speech act" performatif déplacée, refondue puis mise en oeuvre dans l'approche de textes littéraires, philosophiques ou politiques, une réélaboration savante et audacieuse de la rhétorique traditionnelle. La critique de l'idéologie esthétique et organiciste, l'articulation d'une pensée du politique sur une théorie de la littérature, l'analyse des paradoxes de la promesse ou d'une cetaine illisibilité du lisible, tout cela paraît faire de ce livre une des provocations les plus saisissantes de ce temps.

Michel-Antoine Burnier (né en 1942) et Patrick Rambaud (né en 1946) sont des rédacteurs du journal puis de l'Almanach d'Actuel. Ensemble ou séparément, ils ont publié des essais, plusieurs romans

Trois essais d'Umberto Eco forment le noyau de ce livre. Il y développe sa conception de l'intention de l'oeuvre et de la façon dont elle peut imposer des limites aux interprétations possibles. R. Rorty, philosophe, J. Culler, théoricien de la littérature, et C. Brooke-Rose, critique et romancière, discutent ses arguments. Niveau universitaire. (Livres hebdo : livres du mois, 11, 2001)

Jean-Jacques Lecercle est professeur à l'université de Cardiff, spécialiste de littérature anglaise et de philosophie du langage. Ronald Shusterman est professeur à l'université de Bordeaux 3 où il enseigne la littérature anglaise et la théorie littéraire.

Cet essai, mis en chantier après la mort de Barthes, retrace la trajectoire entière du sémiologue et se développe sur deux niveaux. Une «séquence» explique chaque livre de Barthes: le contexte de pensée où il se meut, ainsi, Marx pour Le Degré zéro et Mythologies, Le structuralisme pour S/Z et Système de la mode, Deleuze pour la Leçon, le zen pour L'Empire des signes ou La Chambre claire. Ceci compose la, face didactique de l'ouvrage, en autorise la présentation comme un véritable guide de l'oeuvre étudiée, séduisant pour les enseignants comme pour les étudiants. A un niveau second mais corrélatif, le projet est porteur d'une ambition plus grande: à la lecture de Barthes, on remarquera, l'importance que revétait à ses yeux le problème éthique: tout son travail on le voit bien, consiste en la recherche d'une moralité du signe, a-t-il pu écrire à propos de lui-même. Or, la notion de signe ayant fini, pour Barthes, par recouvrir tout notre réel, soit la culture - de l'amour à là gastronomie, en passant par la mort et la photographie - , l'éthique recherchée concerne donc notre existence même. Par ailleurs, c'est précisément l'éthique qui est venue à manquer dans le champ philosophique contemporain. Si quelques-uns tentent de ranimer des discours enfuis, (« la nouvelle philosophie» ou René Girard voire Lévinas), les penseurs élaborant de nouveaux concepts (Deleuze, pour citer le plus novateur) font silence sur cette problématique. Au départ de Barthes, des éléments pour une éthique véritablement contemporaine se dessinent, inattendus.