« La France serait contente que quelqu'un force le Parlement (à adopter des réformes), mais c'est difficile, c'est la démocratie. » Prononcées le 16 avril dernier par le ministre des finances allemand, M. Wolfgang Schäuble, ces paroles n'illustrent pas seulement le dédain des dirigeants européens pour la souveraineté populaire. Elles soulignent surtout la position de force inédite acquise en Europe par l'Allemagne, qui impose à ses voisins une culture économique centrée sur l'équilibre budgétaire.

Analyse critique avec données chiffrées, en 2010, de la stratégie de croissance économique de l'Allemagne, source de performances notables en période de crise. Une politique fondée sur une très forte modération salariale et des réductions temporaires du temps de travail qui a permis de dynamiser la compétitivité et la demande externe mais qui a aussi bridé la demande intérieure. Une stratégie non soutenable sur le long terme, et qui ne pourrait être adoptée par l'ensemble des pays européens au risque de voir nettement s'abaisser la croissance économique de la zone euro.

Plans de rigueur en Italie et en Grèce, nouvelles mesures d'austérité en France, la crise de l'euro débouche sur un contrôle renforcé des pays endettés. Partager la même monnaie que les pays du nord de l'Europe impliquera de partager aussi leurs convictions économiques.

Doper l'activité économique sans accroître les déficits : l'Allemagne dispose de nombreuses solutions pour aider la France et ses voisins européens. Mais le veut-elle ?

Analyse, fin 2011, du modèle économique allemand, considéré comme le meilleur en Europe, dont la France veut s'inspirer. Mais l'harmonisation des deux modèles s'avère risquée tant ils sont différents. Les clés de la réussite allemande : une politique économique basée sur l'export, la compression des salaires, une fiscalité avantageuse pour les entreprises, la maîtrise des dépenses publiques au détriment des infrastructures, un marché du travail très flexible.

Sans reprise, point de salut pour la zone euro, nous dit Martin Wolf. Quelle reprise ? Quel salut ?

A-t-il sauvé son pays du déclin ? L'a-t-il plongé dans la précarité ? Ses recettes sont-elles applicables en France ? L'inspirateur, si loué et si critiqué, des réformes du marché du travail de Gerhard Schröder se garde de faire la leçon à Paris.

Selon les responsables politiques allemands les critiques récentes de la Commission européenne concernant le niveau jugé excessif des excédents du pays sont infondées. Pour les pouvoirs publics, "il n'y a ainsi aucun déséquilibre qui nécessiterait une correction de la politique allemande". Selon ces derniers, la situation actuelle est le résultat des choix opérés par les consommateurs et les entreprises. L'ajustement nécessaire au rééquilibrage risquerait ainsi d'introduire des distorsions nuisibles qui brideraient le libre choix des agents économiques.

Selon une étude du cabinet McKinsey, l'essor économique que l'Allemagne a connu au cours de la dernière décennie pourrait se prolonger dans les prochaines années. D'ici 2025, les exportations, traditionnel for de lance de la réussite Outre-Rhin, augmenterait de 80%. Si les gouvernements allemands successifs ont souvent fait des choix qui se sont avérés gagnants ces dernières années et si de nombreux paramètres économiques devraient rester au vert, le pays est néanmoins tenu de faire face à des défis de taille.

A l'étranger, la République fédérale est prise comme modèle, ses fondamentaux paraissent solides. Mais, pour l'économiste et conseiller du gouvernement Marcel Fratzscher, le pays pourrait vaciller. Car il n'investit pas assez dans son avenir.

Alors que l'Allemagne est à son tour frappée par la récession et que son fameux modèle est remis en question par ses économistes, la chancelière voit son pouvoir d'influence écorné en Europe. Les Allemands conservent les postes clés, mais la mise en place de la commission Juncker révèle les premières failles