On la connaît pour la "banalité du mal" et sa liaison avec Heidegger. Mais l'oeuvre de Hannah Arendt est surtout une mise en garde contre la vérité unique, contre les identités, contre la pensée par clichés. Explications de la philosophe Barbara Cassin.

Trésors ignorés voire dénigrés, les poèmes de la philosophe inclassable sont pour la première fois réunis dans un recueil, "Heureux celui qui n'a pas de patrie".

Pour la philosophe, la morale intellectuelle appelle à descendre dans l'arène de l'actualité, à confronter le concept à la réalité. Cette conviction prend toute sa mesure lorsque Hannah Arendt rend compte du procès du nazi Eichmann.

"C'est seulement au sein d'un peuple qu'un homme peut vivre en tant qu'homme parmi les hommes, s'il ne veut pas mourir d'épuisement.

Dans la nombreuse correspondance conservée d'Hannah Arendt (1906-1975), celle qu'elle a entretenue avec Gershom Scholem (1897-1982) revêt une importance particulière.

La philosophe n'a cessé d'écrire sur son peuple. Pour le défendre comme pour le critiquer. Théoricienne du politique, elle craignait la compassion, cette « complice du diable ».

Selon Hannah Arendt, qui fait ici l'objet d'une relecture, "nous vivons dans un monde sens dessus dessous où il est impossible de s'orienter d'après des règles qui relevaient autrefois du sens commun"...

L'ouvrage d'Emmanuel Faye heurte frontale ment l'adulation dont Arendt fait l'objet, de façon bien plus médiatique que Heidegger; pourtant, l'auteur n'a pas fait oeuvre de polémiste mais oeuvre solide, oeuvre de connaissance et de réflexion, dans laquelle chacune des références, chaque citation, chacun des auteurs convoqués, compte. Dans son entreprise de démythification de l'oeuvre d'Arendt, Emmanuel Faye a à coeur d'exhiber les titres de légitimité de chacun des mots qu'il écrit.