On a beau savoir que la sincérité en politique n'est pas une vertu cardinale, que les Français ont la mémoire courte et que, comme le disait Charles Pasqua, "les promesses électorales n'engagent que ceux qui les reçoivent", le bilan des deux premiers mois du gouvernement Balladur a de quoi surprendre le moins naïf des observateurs.

Un Balladur modeste, un Pasqua qui sanctionne ses policiers : les nouveaux "cohabitants" ne ressemblent guère à ceux de 1986. Changement de forme ou révolution en profondeur ?

Tempêtes monétaires, nuages sur les lois Pasqua, tangage interne : la coalition gouvernementale passe de mauvaises vacances. D'autant que le profil de plus en plus présidentiable du Premier ministre modifie tous les calculs.

Hier, il ne voulait à aucun prix d'une formation unique de la droite. Aujourd'hui, il l'impose. Pour moderniser son camp, mais aussi pour le faire marcher à la baguette.

Après cinq ans de gouvernement, la gauche, pour l'emporter, ne peut compter que sur une surprise. Et il y en a eut tant lors des précédents scrutins... Comment analyser dès ce dimanche les tendances du second tour.

Réunis en séminaire dans la campagne anglaise, Clinton, Blair et les autres gourous de la "troisième voie" persistent et signent : la gauche ne peut retrouver le succès sans adopter les valeurs montantes de la société. Tant pis si elles viennent pour l'essentiel du camp d'en face...

La faute à qui ? A Juppé, trop raide, à Sarkozy, trop pressé, à Raffarin, trop absent ? Le rêve hégémonique d'un parti unique de la droite ne s'est pas réalisé.

Castration chimique, double peine, biométrie, rétroactivité des lois, indépendance des juges... Alors que l'Assemblée discute cette semaine encore de la récidive et du bracelet électronique, on ne compte plus, à dix-huit mois de la présidentielle, les tentatives de la droite d'accroître encore l'arsenal sécuritaire.

Parrainage pour Le Pen, "ministère de l'immmigration et de l'indentité nationale"... Pour sauver sa campagne, le candidat UMP a choisi sa stratégie : draguer le FN et ses électeurs.

Aux yeux du candidat de l'UMP, la France s'est droitisée. Profondément. D'où sa crainte : les électeurs du FN qui l'ont rejoint ne risquent-ils pas de regagner leur bercail ?

Dimanche, quand les premiers résultats sont tombés, Nicolas Sarkozy, discret mais seul à la manoeuvre, a mis en place la stratégie de la droite pour sauver ce qui peut l'être encore. Avec, en toile de fond, un problème de taille pour lui comme pour la gauche : que faire avec un MoDem qui ne sait pas très bien ce qu'il veut ?

Longtemps tétanisée par le fort ancrage à gauche des enseignants, la droite n'a pas su ou pu formuler de propositions convaincantes sur l'éducation. Défense de l'enseignement privé, sélection à l'université, ses tentatives de réformes inspirées par une logique conservatrice n'ont jamais pu aboutir, ni même tenir lieu de pensée.