Une consensuelle répartition des rôles de la vie intellectuelle conduit à réserver aux hommes une fonction conçue comme tribunicienne et quasi guerrière, les femmes s'attachant pour leur part à l'animation des salons et refusant l'idée d'immortalisation, sauf à l'étranger. Mais l'éventualité de coopter des académiciennes n'a jamais été franchement exclue. La revendication féministe, accompagnant une réflexion sur la place des femmes dans la cité, comme "les trois inventions du microphone, de la bombe atomique et de la pilule contraceptive " ont préparé l'inéluctable apothéose de Marguerite Yourcenar.

De Christine de Pizan à Colette, en passant par madame d'Aulnoy et George Sand, treize femmes à qui la prose fut chère. Furieuses, glorieuses ou misérables, amantes des livres, soucieuses de péripéties, en grands démêlés avec leur temps, elles traquèrent à la pointe de leurs mots la saveur de la vie.

Gabrièle Buffet-Picabia (souvent orthographié Gabrielle Buffet-Picabia), née Gabrièle Buffet, est une personnalité liée au mouvement Dada née le 21 novembre 1881 à Fontainebleau et morte le 7 décembre 1985. Elle a épousé le peintre Francis Picabia en 1909. En octobre 1912, alors qu'elle se trouve avec sa mère dans la maison familiale d'Étival, Picabia l'y rejoint en compagnie de Guillaume Apollinaire et de Marcel Duchamp . Le premier y écrit Zone, le poème liminaire d' Alcools ; ce voyage inspira au second quatre « notes marginales » « Route Jura-Paris» de La Boîte de 1914 2, prélude à son œuvre La Mariée mise à nu par ses célibataires, même. En 1930, Francis et Gabrièle divorcèrent. Ils eurent quatre enfants : Laure, Pancho, Jeanine et Vincente. Elle apparaît dans Dada (1967), un documentaire de Marcel Janco et Greta Deses. Elle est décédée à plus de 104 ans.

De sa vie, Colette a fait une oeuvre, et il faut suivre le fil de ses livres dans son déroulement chronologique pour comprendre la marche essentielle de cet écrivain de génie vers la recherche idéale de soi. Amours scandaleuses, vie turbulente, joie des sens, enfance provinciale, sagesse des dernières années au Palais-Royal.

Les critiques se sont longtemps arrêtés à la fable officielle de l'amour univoque entre mère et fille dans l'oeuvre autobiographique de Colette. Cette étude s'applique à pourfendre ce cliché et à chercher - dans son rapport original à l'espace - le ressort caché d'une relation controversée à la mère. Une concurrence s'établit ainsi dans l'espace entre un dispositif de sécurité à fonction convergente, établi par la mère, et une volonté systématique de divergence chez la fille: d'abord par les évasions répétitives de l'enfance, puis par un départ irréversible. Cette soustraction filiale sera finalement comblée par une écriture pléthorique et hyperbolique de la figure maternelle, nantie de tous les pouvoirs. L'écriture affirme sa vocation essentiellement réparatrice, et invente les chemins d'un retour généralisé à la mère, en dédommagement de la désertion.