Jean-Marie Rouart met en évidence " l'étrange passerelle " qui relie les vaincus au " destin inabouti de la littérature ", littérature dont l'exercice, peu ou prou, serait une métaphore de l'échec. Musset, Byron, Paul-Jean Toulet, Aragon : les désenchantés de l'amour ; le cardinal de Retz, Barrès, André Malraux, Mauriac, Breton Montherlant : les rêveurs au pouvoir : Verlaine, Genet, Fitzgerald, Lowry... L'oeuvre, cette réussite, ne se conçoit pas et ne s'explique pas sans son double et ce terreau d'où elle naît et où elle aboutit : l'échec. Ce dictionnaire dont rêve Jean-Marie Rouart, le voici : celui des grands écrivains, dont on sait désormais un peu mieux qu'ils sont des " vaincus de la vie ".

Le propre du secret est qu'il donne à imaginer. Il est le point de départ d'une recherche qui peut prendre la forme de la quête, ou même de l'enquête. Il déclenche surtout une rêverie dont bénéficient la littérature et l'art. Partant d'un exemple apparemment très simple, "Le secret de maître Corneille" dans les Lettres de mon moulin, Pierre Brunel a choisi un libre parcours. Il convoque, au gré de sa fantaisie, mais aussi d'une nécessité interne au sujet, antiques et modernes, écrivains, peintres et musiciens. Nul esprit de système dans tout cela, nulle grammaire de l'imaginaire, mais un libre déploiement à partir de visages d'hommes, de figures mythiques et même de simples lettres de l'alphabet, immobiles ou dansantes, d'apparents cryptogrammes qui peuvent aussi constituer des clés. Notons à l'attention des étudiants préparant l'agrégation de Lettres que la première partie de l'ouvrage est consacrée aux "Figures antiques du secret" comprenant "Les oreilles de Midas", "Question(s) à Œdipe"...

"Une entrée de la Mort dans l'Art ne se concevant d'abord que selon son intrusion dans la vie, l'étude de sa présence s'y annonce limitée à la simple représentation d'un pur phénomène biologique. Mais un même mot recouvre déjà l'événement dans la mesure où l'Art peut en saisir l'Instant et le traduire, et l'état qui le suit. La facilité du présage, la tentation du pressentiment, l'idée de mort plus ou moins clairement conçue dès cette vie, la projection psychique de l'être au-delà d'un Seuil vers un domaine des morts, la croyance en leur retour et surtout la cristallisation de mort en Mort vivante, être inexorable et meurtrier, appellent de nouvelles présences artistiques; répondant à ces variables de l'idée et à la plurivalente signification du mot : 1) L'instant ou passage de vie à trépas ; 2) Les morts s'annonçant sous trois aspects - le cadavre, l'âme du défunt, et un être complexe, ni charnel ni spirituel ; 3) La personnification de la Puissance qui tue ; 4) Un domaine d'espace et de temps, dans l'indéterminé ou dans l'imaginaire de l'Au-delà. Inventaire et définition précise des catégories de la Mort sont donc une part importante de notre propos ; étapes principales de cette démarche de transgression, ces catégories feront l'unité de nos Principes et en marqueront la séparation d'avec l'Esthétique totale que nous pourrions fonder plus tard." M.G.

Titulaire d'une thèse (Université de Grenoble, 1970). - Professeur de français, Yale university, New Haven, Conn. (en 1985). - Professeur de littérature comparée et littérature française des 19e et 20e siècles, Emory university, Atlanta, Ga. (en 2006)

Georges Poulet poursuit ici son exploration du temps dans les grands textes de la littérature française. Victor Hugo dont le temps est une chute vers Dieu ou Satan, Stéphane Mallarmé pour qui l’espace et le temps sont contigus au « moi » littéraire construit par l’écriture, Balzac pour qui le temps s’identifie au désir, Marivaux dont la durée affective est en perpétuelle mutation, d’autres encore sont étudiés avec une inventivité et une finesse remarquables. Georges Poulet propose une lecture neuve de la littérature, envisagée comme « la réalité d’une pensée toujours particulière ». Il confronte sa méthode de lecture à des textes inattendus et nous livre une brillante introduction à des œuvres littéraires importantes. Marivaux. Vauvenargues. Chamfort. Choderlos de Laclos. Pierre Joubert. Honoré de Balzac. Victor Hugo. Alfred de Musset. Guérin. Stéphane Mallarmé... Georges Poulet (1902-1991) est né en Belgique, il a fait à l'Université de Liège, des études de droit et de lettres. Son oeuvre critique est l'une des plus importante de son époque.