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En quête de profits

Numéros de page :
38 p. / p. 47-84
L'article examine la fonction que les marchands rouennais assignaient au change dans leur pratique courante. Etait-il un simple instrument de paiement ou un facteur d'enrichissement ? L'enquête procède par études de cas, fondées à la fois sur les modèles que proposaient les manuels de comptabilité et sur l'analyse détaillée de l'activité qu'un certain nombre de grands marchands rouennais menèrent, entre 1580 et les années 1630, sur leur théâtre principal d'opérations sur la façade atlantique, entre Séville et Hambourg, et jusqu'à Francfort et Lyon, dans l'intérieur. Les observations témoignent de l'ampleur du rattrapage technique réalisé par les opérateurs rouennais face à leurs concurrents méridionaux, dans un contexte de collaboration/concurrence entre groupes d'opérateurs d'origines variées - a contrario du stéréotype, véhiculé par l'historiographie, d'un retard français en matière commerciale avant le XVIIIe siècle, et de l'affirmation d'une exclusivité des marchands-banquiers dans la maîtrise des pratiques spéculatives du cambio per arte. Donnant la priorité au commerce de marchandises, les ténors du négoce rouennais n'en savaient pas moins faire du change une activité génératrice de profit. La similarité de leurs stratégies conduit aussi à reconsidérer les relations entre les places à l'échelle européenne, et à souligner le caractère systémique des articulations fonctionnelles qui liaient notamment Rouen, Séville et Anvers, mais aussi Paris et Lyon.