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La Littérature russe

01 décembre 2022
Numéros de page :
pp.32-46
Au début de la Première Guerre mondiale, Proust se disait consterné par le chauvinisme de la presse, qui incitait à répudier Wagner: « Si, au lieu d'avoir la guerre avec l'Allemagne, nous l'avions eue avec la Russie, qu'aurait-on dit de Tolstoï et de Dostoïevski ? » Suivons Proust dans son patriotisme sans haine ! Et prouvons que l'on peut à la fois n'être pas d'accord avec Vladimir Poutine et se plaire à relire Pouchkine ! Surgie au XIXe siècle, la littérature russe a connu une aube tardive, mais dont l'éclat a atteint rapidement nos rivages - si Proust s'inquiétait pour Tolstoï et Dostoïevski, c'est qu'il les avait déjà lus avec passion ! Puis cette littérature a connu une brisure - quand l'élan de l'âge d'argent, porté par des auteurs tournés vers l'avenir, comme Maïakovski ou Akhmatova, s'est fracassé sur le mur de la censure soviétique. Avant de renaître dans la clandestinité, sous la prose édifiante agréée par le régime... Nos regards étrangers ont fait de cette littérature le réceptacle de l'« âme russe » ou de la « mystique russe » - ces drôles de bêtes que nous invoquons chaque fois qu'un événement, en Russie, échappe à notre compréhension... Que l'on croie ou pas en leur existence, les mille singularités de cette littérature sautent aux yeux - la narration joyeuse de Pouchkine, la démesure de Tolstoï, les tourments hyperboliques des personnages dostoïevskiens, la fantaisie d'un Gogol envoyant son "Nez" déambuler dans Saint-Pétersbourg ou d'un Boulgakov invoquant Satan à Moscou dans "Le Maître et Marguerite"... Ces auteurs n'ont pas d'équivalent chez nous. Se priver de les lire pour des raisons extra-littéraires reviendrait à nous sanctionner nous-mêmes. Sommaire. L'âge d'or, à la source féconde du roman russe. L'âge d'argent, dernier élan avant la révolution. Les années de fer, écrire ou survivre. Cholokhov et Grossman, grandeur et décadence de l'écrivain officiel. Chalamov et Soljenitsyne, les peintres du goulag. André Markowicz : "Proust n'existerait pas sans Tolstoï". Plumes contemporaines, la bibliothèque idéale. Andreï Makine, "L'Ancien Calendrier d'un amour", extraits.