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Le Siècle de la Chine

01 novembre 2020
Numéros de page :
pp.25-92
D'après la Banque mondiale, la Chine pourrait devenir la première puissance économique mondiale avant 2030, dépassant les Etats-Unis. Position, rappelle Renaud Girard, qu'elle occupa de 1300 à 1820. D'où ce nouveau nationalisme chinois qui se nourrit d'un fort sentiment de revanche à l'égard des Occidentaux, coupables d'avoir, au XIXe siècle, envahi les côtes chinoises, avant d'imposer des traités « inégaux » à l'empire du Milieu l'obligeant à maintenir des droits de douane peu élevés. 2020, la revanche? La suprématie chinoise, notamment dans le domaine de la technologie, du commerce, de l'industrie, doit pourtant être nuancée. Baidu, Alibaba, Tencent, WeChat ou TikTok, propulsés grâce à l'hyperprotectionnisme chinois, sont loin d'avoir réalisé un développement à l'étranger comparable à celui des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), analyse Patrick Allard. Les relations en clair-obscur de ces firmes avec Pékin et le Parti communiste chinois expliquent la méfiance dont elles sont l'objet. Dans une interview, le patron européen de Huawei (géant mondial des télécommunications et des équipements en 5G) répond aux accusations de risque de cyberespionnage. Pour Abraham Liu, c'est parce qu'ils sont en retard sur la 5G que les Etats-Unis veulent empêcher l'Europe de s'équiper en technologie chinoise. Possible. Mais la cyberdépendance à la Chine pose tout de même question. La crise sanitaire récente nous a ouvert les yeux sur une autre dépendance : la Chine, avec l'Inde, est la pharmacie du monde. La relocalisation est devenue une priorité. Yves L'Epine en souligne la complexité. Et interroge : plutôt que sur le paracétamol, ne faut-il pas « se focaliser sur les médicaments qui ont un intérêt thérapeutique essentiel et sans alternative simple » ? La problématique gestion de la crise du coronavirus nous a également éclairés sur les différences fondamentales entre la culture occidentale et les cultures asiatiques, pour lesquelles l'individu n'est rien sans le groupe. Pour la philosophe Chantal Delsol, leurs principes sont à l'opposé des nôtres. Les Asiatiques nous reprochent souvent « notre individualisme, notre relativisme, notre indifférence aux communautés familiales ou nationales, voire notre nihilisme ». Contrairement à la suprématie américaine, la suprématie chinoise pour asseoir sa domination manque d'un facteur essentiel : le softpower. Hollywood et le Coca-Cola... Pékin ne le sait que trop bien qui tente par tous les moyens d'améliorer son image dans le monde. Mais, remarque Laurent Gayard, le "softpower" chinois n'est-il pas condamné « à retomber inlassablement dans l'ornière de la propagande plus ou moins bien dissimulée » ? Pour avoir dénoncé l'incurie des autorités chinoises à Wuhan pendant la quarantaine, l'écrivain Fang Fang subit une violente charge haineuse sur les réseaux sociaux. Dans les colonnes de la "Revue des Deux Mondes", elle déplore le retour en force depuis quelques années des ultra-nationalistes, qui « conduisent le pays au désastre ». « Moi qui ai vécu la période de la Révolution culturelle, j'espère que la Chine va continuer à se réformer et à s'ouvrir, que l'espace de parole et d'expression va vraiment s'élargir, car je ne voudrais en rien revenir à ces années sombres. » Sommaire. La revanche de la Chine sur les Occidentaux. Les champions de l'Internet. Abraham Liu, la guerre pour reconstruire une technologique américano-chinoise. L'introuvable "softpower" chinois. Chantal Delsol : « En Asie, l'individu n'est rien sans ses communautés ». Taïwan et Hong Kong face à la volonté de puissance de la Chine. La crise Covid-19 : notre meilleure chance reconstruire une indépendance sanitaire Comment rééquilibrer les relations économiques avec la Chine ? Fang Fang, une femme libre, pétrie de convictions.