Psychiatrisation de la politique et politisation des troubles psychiques. L'introduction de l'Aminazine en Union soviétique dans les années 1950
Bulletin : Revue historique 701
01 janvier 2022
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pp.147-170
En 1954, un laboratoire soviétique synthétise l’Aminazine, soit l’équivalent soviétique du Largactil, le nom commercial de la chlorpromazine. Cet article analyse les conditions de production de l’Aminazine puis les multiples usages des neuroleptiques : sa prescription dans les hôpitaux afin d’autoriser le retour des malades dans la société ; l’instauration hors les murs de l’hôpital de « thérapies de soutien » destinées à limiter les récidives ; et la mise en place de « soins forcés » pour faire taire les « protestataires ». Ce recours aux neuroleptiques fait assurément écho aux orientations idéologiques du régime, entre valorisation de l’utilité sociale des individus et sanction de la contestation politique. Ces médicaments, qui rendent possible l’avènement d’un nouveau régime d’emprise sur les corps, donnent alors la possibilité aux psychiatres de jouer un rôle politique et social inédit, qu’ils revendiquaient de longue date.