Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires
01 mars 2014
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Numéros de page :
15 p. / p. 72-86
Les études sur la police tendent à opposer deux thèses, l'une dite de l'insularité, insistant sur le pouvoir discrétionnaire des agents, l'autre dite de l'instrumentalité, les considérant au service de l'autorité publique. L'enquête ethnographique conduite dans la région parisienne sur le travail de patrouille des unités de sécurité publique, et plus particulièrement des brigades anti-criminalité, permet de résoudre cette apparente contradiction entre la vision d'un Etat dans l'Etat et la conception du bras armé de l'Etat. En s'appuyant sur l'observation des pratiques en matière de répression des infractions à la législation sur les stupéfiants et en restituant la fameuse culture du résultat dans le cadre de la réorientation de la politique pénale, il est possible d'établir que, particulièrement dans les quartiers populaires, l'insularisation de l'activité policière constitue le moyen le plus efficace de son instrumentalisation. Ainsi les gardiens de la paix font-ils à la fois ce qu'ils veulent et ce que l'on attend d'eux. L'inégale distribution de l'usage de la sanction et de la force au détriment des populations défavorisées principalement d'origine immigrée redouble et légitime l'inégale distribution des ressources sociales. Tout en justifiant son action au nom de la sécurité collective et du bien commun, l'Etat pénal reproduit ainsi l'ordre social et, paradoxalement, fragilise l'ordre public.