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Stigmates et (ré)actions sociales

01 juillet 2024
Numéros de page :
124 p. / p. 3-127 : ill. en coul.
Le mot stigmate, dans le langage courant, désigne fréquemment nombre de phénomènes, qui vont de certains attributs associés à des individus ou à des groupes de personnes aux dégâts physiques visibles à la suite de catastrophes naturelles ou humaines. Chez les sociologues, anthropologues et autres spécialistes des sciences humaines et sociales, ce concept évoque d’emblée le travail d’Erving Goffman, popularisé par la publication de son livre Stigma, abondamment traduit depuis sa parution en anglais en 1963. Plus de 60 ans après cette publication, ce concept conserve-t-il sa pertinence et son actualité ? Ce numéro revisite d’abord la typologie initialement fixée par Goffman et apporte des clés de compréhension du concept de stigmate, afin de permettre au lecteur d’appréhender plus facilement les contributions ensuite rassemblées. Celles-ci, prenant appui sur le travail de terrain de différent·e·s chercheur·e·s, démontrent la complexité des différents types de stigmate, leurs liens à l’identité et leur caractère dynamique. Les articles amènent enfin à comprendre les performances et jeux interactionnels à l’oeuvre dans la vie ordinaire, mais également dans la pratique du travail social, faits d’actions des uns et de réactions des autres, rappelant que le stigmate n’est pas une caractéristique intrinsèque de l’individu, mais s’inscrit dans une interaction ou une relation à autrui.
Note Contenu : Comment penser l’altérité et la stigmatisation avec Goffman ?, par Louise, Fontaine, p. 15-25 Cet article explore des représentations de l’Autre en les reliant avec la migration internationale. Il s’agit de décrire et d’analyser comment concevoir des interactions en face à face lorsqu’elles correspondent à des contacts mixtes d’un point de vue linguistique, culturel ou ethnique. En quoi des interactions de ce type peuvent-elles engendrer des formes de stigmatisation ? L’objectif visé est de mieux comprendre la dynamique d’une société particulière en partant du point de vue des individus qui s’ajoutent à une société déjà constituée. Pour y arriver, nous puisons à même le coffre à outils conceptuels d’Erving Goffman. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Le stigmate racial révélé par les offenses et les humiliations de Blancs, par Jonathan Collin, p. 26-35 L’article examine la révélation du stigmate en lien avec le non-respect des rites interactionnels par des individus associés au groupe majoritaire blanc, y compris la profanation ouverte de la face de personnes noires par ces individus. Prenant appui sur l’examen d’articles de la presse belge et sur des matériaux ethnographiques issus d’une enquête de terrain menée dans la région urbaine de Liège, l’auteur met en évidence le désordre dans l’interaction sociale entre Blancs et Noirs, et propose des pistes d’action sociale pour les travailleurs sociaux, affirmant ainsi par la même occasion l’intérêt de la méthode ethnographique et des savoirs anthropologiques et sociologiques pour ces professionnels. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Le tatouage comme illustration transcendante du stigmate, par Elise Müller, p. 36-46 En cela qu’il constitue une marque durable sur la peau, le tatouage peut s’envisager comme stigmate au sens littéral du terme. Mais il présente également de grandes similitudes avec le stigmate tel que le conceptualise sociologiquement Erving Goffman. Ne constituant pas un attribut en soi, il est souvent mis en relation avec une forme de marge, de mise à l’écart de la norme. Au travers du tatouage, nombre d’individus choisissent d’illustrer ce qui, selon eux, les prive des attributs d’une personne considérée comme « normale ». En recourant à la marque corporelle, ils viennent alors souligner, appuyer ou assumer une différence ressentie par le biais d’une ritualisation du récit personnel. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Les réseaux sociaux, nouvel eldorado du stigmate ?, par Alexandre Dubuis, p. 47-57 Cet article explore un phénomène émergent concernant l’exposition sur les réseaux sociaux de corps différents, en particulier ceux portant des séquelles de brûlures graves. Il revisite la notion de stigmate développée par Goffman en l’analysant à l’aune des plateformes numériques, et en posant notamment la question de savoir si celles-ci offrent réellement une meilleure acceptabilité du stigmate. À quel prix peut-on mettre en jeu sa peau sur les réseaux sociaux ? Ne risque-t-on pas en définitive de tomber dans une forme compétitive du stigmate ? Grâce aux réponses variées à ces questions, des enseignements pourront ainsi être tirés pour le travail social ou l’accompagnement médicopsychologique. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Être autiste sur le marché de la tolérance, par Anna-Livia Marchionni, p. 58-68 Les expériences sociales relatées par les personnes porteuses du syndrome d’Asperger, souvent qualifié de handicap invisible par les personnes qui en sont porteuses, entrent en écho avec la pensée goffmanienne : en tant qu’individus discréditables, les personnes autistes, contraintes d’apprendre à masquer leur autisme à des fins d’adaptation sociale, sont nombreuses à parler du masque derrière lequel elles se cachent pour entrer sur ce « marché de la tolérance » évoqué par Goffman (1963). À partir de leurs témoignages, leurs expériences seront analysées à l’aune des théories de Goffman et r