Le compositeur Olivier Greif nota dans son "Journal" :« Schubert est né et mort à Vienne, qu'il n'a pratiquement jamais quittée. Certains s'en étonnent. Mais, tel Kant à Königsberg, il aurait très bien pu ne point sortir de sa rue. On n'a pas besoin du monde, lorsqu'on en est le centre. » Le temps d'une nouvelle « Folle Journée », ce centre se déplacera à Nantes, étape décidément privilégiée sur les chemins de l'émotion schubertienne.

Voilà dix ans que le célèbre baryton allemand nous a quittés. Artiste à la culture encyclopédique, il réinventa le lied en donnant toute sa place au mot et triompha sur les plus grandes scènes lyriques.

Tout sauf une soprane à paillettes ou à frou-frou. Mozartienne absolue, et bien plus encore. L'artiste modeste et géniale que sa partenaire Brigitte Fassbaender nommait Lucissima incarne pour toujours la voix sans frontières de la Mitteleuropa.

En l'espace de sa brève vie et de six cents lieder, Schubert accomplit la transfiguration totale d'un genre musical et littéraire. Ce sont en fait trois révolutions et non une seule qu'il provoque : une révolution de la poétique, une révolution de l'imaginaire, et une révolution de l'interprétation.

Papageno, les deux Figaro, l'opérette viennoise : ces trophées dans la comédie sont loin de résumer le génie d'un artiste à la discographie aussi abondante et diverse que son apport au lied reste sous-estimé.