En limogeant son gouvernement, le président a fait voler en éclats la stabilité - très relative - qui commençait à s'instaurer en Russie, et déclenché, avec la Chambre des Députés, un affrontement qu'il aura du mal à contrôler.

En limogeant sans préavis le gouvernement de Tchernomyrdine, Boris Eltsine a une nouvelle fois semé la confusion dans la capitale russe. Objectif : préparer les prochaines élections législatives de 1999 et la présidentielle de l'an 2000.

Il a réussi, il y a deux ans, à conclure un accord de paix en Tchétchénie. Tablant sur sa réputation d'homme intègre, il veut devenir président de la Russie en promettant d'extirper la corruption.

Alors que le président en exercice est de plus en plus évanescent sur la scène moscovite, le gouvernement Primakov travaille sur des projets de relance économique qu'expose ici l'économiste Leonid Abalkine.

Le nouveau Premier ministre a hérité d'un Etat délabré et d'une économie en miettes, à l'entrée d'un hiver qui s'annonce désastreux. Pour l'instant les Russes, qui n'en peuvent plus de supporter Eltsine, comptent sur "Genia" pour les sortir du chaos.

Une issue militaire à la crise en cours est improbable. Les députés avancent au moins cinq noms de candidats acceptables pour le poste de Premier ministre. Eltsine devra accepter l'un deux.

L'ancien conseiller de Gorbatchev explique pourquoi les Russes, après six ans de régime eltsinien, sont si nombreux à souhaiter le retour à un système autoritaire.

Le président russe à dû rétrograder son principal protégé, Anatoli Tchoubaïs, ancien "tsar de l'économie", responsable avec d'autres ministres de diverses escroqueries. Grand bénéficiaire de ce naufrage : Victor Tchernomyrdine.

Boris Eltsine avait d'abord limogé ce jeune loup, puis l'a remis en selle à la demande de Washington. Il en a fait le "tsar" de l'économie russe. Une position très rentable sur le plan politique et financier, mais qui ne le met pas à l'abri des attaques.

Qui décidera que le président est "trop malade" pour gouverner ? Une commission spéciale ? Tout Moscou parle maintenant d'une révision de la Constitution. Tandis que le peuple lorgne avec envie vers les manifestants de Belgrade et de Sofia.

En remettant en selle Anatoli Tchoubaïs, l'homme le plus détesté de Russie, Boris Eltsine défie l'opinion publique, au risque de provoquer une explosion sociale, voire une révolte à l'albanaise.

"J'agirai de façon civilisée, dit-il, car le sang a déjà trop coulé en Russie". Mais ce général, qui se fait fort d'arriver au pouvoir avant l'an 2000, n'a pas caché à Bernard Guetta qu'il "mettrait en prison" ceux qui ne respecteraientt pas ses nouvelles "règles du jeu".