Après un coup d'essai qui était aussi un coup de maître, ″Sabine″, consacré à sa soeur autiste, Sandrine Bonnaire se tourne vers la fiction et raconte une histoire tout aussi douloureuse. Celle d'un couple qui s'est défait suite à la mort de leur enfant. Elle a refait sa vie, elle a refait un enfant, mais le traumatisme est d'autant plus vivace qu'elle refuse de l'avouer. Lui revient après des années d'absence et se prend de passion pour le gamin de son ex...

Ils se murmure que murmure que "Jimmy's Hall" pourrait être le dernier film réalisé par Ken Loach, ou du moins le dernier film lourd (en termes de production), le cinéaste ne s'interdisant pas de signer quelques documentaires, à l'instar de son récent "Esprit de 45". C'est vrai que nous sommes habitués à la présence de cet éternel révolté, devenu sans qu'il l'ait cherché le cinéaste phare du cinéma anglais. Si l'annonce de cette retraite était avérée, ses films nous manqueraient.

Il est tentant chaque année de se demander en son âme et conscience pour quel film nous aurions plaidé si l'attribution de la Palme d'or à Cannes n'avait tenu qu'à nous. Après avoir avalé toute la sélection des films en compétition, nous sommes tentés de répondre "Sils Maria".

Nous avions rencontré Cédric Kahn à l'occasion de la sortie de son film précédent, "Une vie meilleure", un film magnifique qui sous couvert de parler du problème du surendettement montrait un jeune couple s'enfonçant dans les sables mouvants d'une société qui ne fait pas de cadeau. A travers un fait divers, l'affaire Fortin (soit la cavale pendant onze ans d'un marginal avec ses deux gamins), le cinéaste parvient une nouvelle fois à brosser un portrait de groupe qui en dit long sur les disharmonies du monde qui nous entoure.

Après le triomphe planétaire de "The Artist", c'est peu dire que l'on attendait Michel Hazanavicius au tournant. "The Search" ne déçoit pas. Force est de reconnaître que le cinéaste ne se repose pas sur ses lauriers et qu'il prend le risque de désorienter ceux qui voyaient en lui un amuseur. Un risque à la hauteur de ses ambitions... "The Search" est un film de guerre sur le conflit tchètchène, un nom qui nous est sans doute familier mais dont au fond nous ne savions rien...

Marie Heurtin est un peu par sa simplicité et son réalisme à l'opposé du film de Jean-Pierre Améris qui l'avait précédé : "L'Homme qui rit". Pourtant, ce qui les unit est plus grand que ce qui les distingue : une évidente empathie pour le genre humain et notamment pour ceux qui sont différents. "Marie Heurtin" raconte une histoire vraie, celle d'une adolescente sourde et aveugle pris en charge par des religieuses à la fin du XIXe siècle. Soit un douloureux apprentissage, celui de l'éveil à la nature, aux autres, à la vie.

On parlera sans doute encore longtemps de l'absence de "Timbuktu" au palmarès du dernier Festival de Cannes. Abderrahmane Sissako propose une oeuvre magnifique, alliance rare entre le film humaniste militant et les envolées poétiques et métaphoriques. L'art comme arme contre l'obscurantisme et le fanatisme. Loin du tumulte de la Croisette, une rencontre avec un cinéaste rare (son précédent long métrage, "Bamako", date de 2006), profond et intense.

"Le Promeneur d'oiseau" est un joli film qui raconte le rapprochement d'un vieil homme que la vie n'a pas toujours gâté et de sa petite-fille, plus attachée au départ à son téléphone portable qu'à cet aïeul qu'elle connaît mal. Mais la bonté du vieil homme et les circonstances (les parents de la fillette sont en instance de divorce et n'ont guère le temps de s'occuper de leur fille) changent la donne...

Dix-sept ans après "Hope and Glory", John Boorman revient à sa veine autobiographique ne racontant l'histoire de ses vingt-sept ans, quand l'Angleterre pansait ses plaies (au lendemain de la victoire contre le nazisme) tout en faisant son deuil d'un empire qui se disloquait. Toute la richesse du film est de pratiquer des va-et-vient constants entre le général, cette société anglaise pétrie de traditions, qui se cherche, et le particulier.

"Foxcatcher" a tout du conte : des personnages plus grands que nature, une intrigue improbable, une morale édifiante. Quand Mark Schultz, sportif de haut niveau (sur le déclin) pénètre dans le château de Du Pont, milliardaire étrange mais à la fortune infinie, l'impression est celle de Rebecca chez Daphné du Maurier (et Hitchcock) quand elle rejoint son mari. Ou de Belle au moment où elle va faire la connaissance de la Bête chez Cocteau. Ou encore de ces voyageurs imprudents qui viennent frapper en pleine nuit à la porte du comte Dracula.

Après quelques films réalisés à droite et à gauche (enfin, plutôt à gauche), Robert Guédiguian retrouve ses fondamentaux et nous livre une nouvelle chronique marseillaise au titre trompeur : ″Les Neiges du Kilimandjaro″.

En vingt ans, de ″Bar des rails″ aux ″Regrets″, et de ″L'Ennui″ (qui lui a valu un Prix Louis Delluc et dont le découpage, comme ″Bar des rails″ fut publié par ″L'Avant-Scène Cinéma″) à ″Roberto Succo″ et ″Feux rouges″, Cédric Kahn a imposé sa petite musique, celle d'un auteur exigeant qui observe le monde autour de lui à hauteur d'homme et ne se lasse pas d'en explorer les moindres recoins, avec une prédilection pour les personnages aux abois.

A l'écart des coteries, loin d'un cinéma kleenex, Eric Guirado construit pas à pas une oeuvre enracinée dans un territoire précis et une société déterminée. Il nous parle d'une France qui n'est pas souvent à la une des magazines.

″Terraferma″ est le quatrième long métrage d'Emanuele Crialese. Il raconte la confrontation d'une famille de pêcheurs d'une minuscule île italienne avec l'arrivée des bateaux de clandestins africains, modernes radeaux de la Méduse, et avec les touristes insouciants qui débarquent en même temps, perturbant d'une autre façon une vie fondée sur les traditions. Le film est saisissant, émouvant et dépasse largement le réalisme grâce à la vision poétique et sensuelle que nous avions découverte dans ″Respiro″ en 2003.

Chaque film de Costa-Gavras est un événement. Si l'inventeur du thriller politique (un genre auquel il a pour le moins donné ses lettres de noblesse) ne fait pas également mouche à chaque film, force est de reconnaître la très belle cohérence d'une oeuvre qui pour l'essentiel se préoccupe de l'Homme, de sa liberté, de son épanouissement dans un monde qui trop souvent fait la grimace. ″Le Capital″ parle de l'argent-roi, de l'argent-fou, qui aujourd'hui mène le monde par le bout du nez et se moque comme d'une guigne du long terme.

″Ca me fait plaisir quand quelqu'un pique dans un de mes films un détail qui me touche. Ce n'est plus un entretien journalistique, ça devient une conversation, un dialogue″. Ce sont les mots exacts avec lesquels Agnès Varda a conclu cet entretien quand nous l'avons rencontrée dans la salle de montage de la rue Daguerre où elle travaille à son projet marseillais, entourée par des exemplaires du coffret, du trésor faudra-t-il dire, à peine publié par Arte Editions et Ciné-Tamaris Vidéo.

Après ″Les Emotifs anonymes″, dont nous nous étions régalés à publier le scénario il y a peu, voici ″L'Homme qui rit″. Apparemment rien ne relie ces deux films, si ce n'est leur signataire. Pourtant à y regarder de plus près demeure chez Jean-Pierre Améris une certaine défiance pour le réel, un goût prononcé pour le romanesque et pour les histoires d'amour impossibles. Plus une appétence immense pour les comédiens, surtout s'ils franchissent les frontières du raisonnable.

C'est peu dire que ces temps-ci Jean Renoir est incontournable. D'abord parce qu'il est l'objet d'une très bluffante biographie; signée Pascal Mérigeau, qui a demandé à son auteur des années de recherches et qui bat en brèche bien des idées reçues sans que notre admiration pour le cinéaste ne vacille.

Sans tambour ni trompette, Jérôme Bonnell est tout simplement en train de signer une oeuvre parmi les plus vibrantes de ces dernières années. Son allure juvénile ne doit tromper personne : le talent de notre homme s'inscrit dans la durée. Déjà cinq longs métrages au compteur, sans oublier plusieurs courts, que le cinéaste signe en parallèle, comme une gourmandise supplémentaire, signe de son insatiable appétit en matière de cinéma. « Le Temps de l'aventure » ne ressemble à ses films précédents que par la bande.

Comme Georges Brassens, Woody Allen a deux oncles : Tonton Groucho et Tonton Ingmar. Si la fantaisie du premier, à qui ″Prends l'oseille et tire-toi″ (mon Dieu, quel titre !) et ″Tout le monde dit I love you″ rendent explicitement hommage, irrigue l'ensemble de son oeuvre et alimente notamment son goût de l'absurde, l'invention formelle et la sensibilité à fleur de peau du second sont comme un fil rouge qui jamais n'a cassé.

Dès les premières projections de presse, nous avons, à ″L'Avant-Scène Cinéma″ adoré ″Le Prochain Film″. Le film nous plaisait par son ton tout à fait particulier : liberté du récit, des resorts comiques, de la circulation de l'émotion entre comédiens et spectateurs. Histoire d'un film qui ne se fait pas, de deux frères qui décident de travailler ensemble, Frédéric Pierrot et Antoine Chappey, des couples qu'ils forment avec une comédienne - Sabrina Seyvecou - et une éditice - Marilyne Canto. Atmosphère douce-amère, plus douce qu'amère en réalité.

Emmanuelle Bercot a plusieurs cordes à son arc. Les lecteurs de ″L'Avant-Scène Cinéma″ sans doute se souviennent-ils de l'entretien qu'elle nous avait accordé dans le numéro 586, consacré à ″Polisse″, dont elle était la coscénariste, ainsi que l'une des interprètes.

Les films d'Albert Dupontel sont des fantaisies surréalistes et féroces qui ne s'approchent de rien de connu. Après avoir filmé avec une loupe déformante tous les travers de ses contemporains, nous offrant un cinéma à la fois burlesque et socialement engagé, notre homme s'attaque cette fois-ci à l'institution judiciaire. Avec un savoir-faire qui force le respect.

Si Valeria Bruni-Tedeschi est d'abord comédienne, il va falloir s'habituer à la considérer aussi comme une cinéaste qui compte. Un auteur, qui peu à peu impose un univers qui lui est propre, où l'autobiographie se mêle au fantasme, le drame à la fantaisie. Il est plusieurs fois question de Woody Allen dans l'entretien qui suit. A bon droit sans doute.

Nous avons réparé il y a quelques mois une injustice flagrante : aucun film d'Yves Boisset n'avait donné lieu à la publication d'un numéro de "L'Avant-Scène Cinéma". Or, depuis janvier 2012, "Dupont-Lajoie" est à notre catalogue. Cet entretien complète d'une certaine manière le numéro (sans épuiser le sujet, loin de là). Il est pour nous évident qu'Yves Boisset est un cinéaste majeur de l'Histoire du cinéma.

Comment un film peut-il être à la fois aussi drôle et aussi inquiétant ? "Jacky au royaume des filles" tient tout entier dans cette contradiction apparente. Parce qu'il décide d'inverser tous les codes du patriarcat, parce qu'il montre des femmes bottées et des hommes soumis, voilés, pleurnichards, se trémoussant devant le pouvoir et l'autorité, le film reprend au fond cette vieille plaisanterie de l'époque soviétique : "Le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, et le communisme c'est le contraire !".

Au début de sa carrière le nom de Patrice Leconte était indissociable de ce cinéma de comédie qui à la suite du café-théâtre tentait de rajeunir notre regard sur la société. Son cinéma s'est par la suite peu à peu diversifié, laissant percer le goût du cinéaste pour les personnages fragiles en situation d'emprunter un chemin qui n'était jusqu'alors que mal balisé. Les films de Patrice Leconte sont des films de rencontres, souvent improbables, mais fécondes en émotion et en humour.

Le nouveau film de Lucas Belvaux nous a enthousiasmés. Adaptation d'un roman de Philippe Vilnin, "Pas son genre" raconte les amours difficiles d'un professeur de philosophie parisien, trop parisien, avec une "petite" coiffeuse d'Arras. Comme le titre l'indique, la structure est celle d'"Un amour de Swann". Mais loin de l'exercice littéraire, Belvaux livre une médiation originale et sensuelle sur l'engagement amoureux, le racisme social, les choix qui engagent le destin, la distance entre les discours intellectuels et la vérité des sentiments.