"La Nuit du carrefour" a mauvaise réputation. Quatre-vingt-onze ans après sa sortie en avril 1932, le film, en 2023, n'a pas de distributeur en France. Il n'en existe pas de copie DCP, ni de visa CNC. Impossible donc de le présenter dans un cinéma pour une projection commerciale. Il existe un DVD de qualité médiocre publié en 2016 par René Chateau mais on peut se tourner (légalement) vers le site américain archive.org qui propose une version de meilleure qualité.

Le nom de Corman fait surgir instantanément des affiches criardes sur lesquelles des monstres herculéens défient des 'teenagers' convulsés, une promotion de bandes bâclées en quelques jours et tournées à la chaîne. Mais cette industrie commerciale peut connaître ses moments d'art, comme l'atteste le cycle consacré à l'adaptation de nouvelles d'Edgar Allan Poe, entre 1960 et 1964.

Lucas Belvaux est un cinéaste que nous suivons avec attention depuis ses débuts et c'est peu dire que nous ne sommes jamais déçus. D'abord parce qu'il pose sur la société française un regard panoramique qui met en lumière toutes ses fêlures, sociales, politiques, intimes. Il appuie là où ça fait mal, renouant sous une forme différente avec une sorte de pathos dont le cinéma français fait depuis l'avènement du réalisme poétique d'avant-guerre l'un de ses points d'ancrage.

La trilogie d'Hiroshi Inagaki consacrée à Musashi Miyamoto, comme les six films de Tomu Ucbida ou le manga "Vagabond" de Takehiko Inoue sont adaptés du roman d'Eiji Yosbikawa, "La Pierre et le Sabre" et "La Parfaite Lumière". Le Musasbi de Yosbikawa est un mythe littéraire, au même titre que le "D'Artagnan" de Dumas ou le "Cyrano" de Rostand. Ce qui veut dire que sa démesure romanesque et son succès jamais démenti dans l'imaginaire populaire sont le fruit de petits arrangements avec la réalité historique. Sommaire. Musashi Miyamoto, figure historique et mythe littéraire.

"Eugénie Grandet" est le troisième film de Marc Dugain, qui s'avère à chaque fois être le peintre pointilleux d'une époque. Après l'effroi du stalinisme dans "Une exécution ordinaire", après les petits calculs minables des cours d'Europe au XVIIIe siècle dans "L'Echange des princesses", il nous montre le capitalisme bourgeois naissant en ce début du XIXe siècle, qui débouche sur la rapacité et la sécheresse de coeur.

La dernière séquence du "Conformiste" se déroule entre le Capitole et le Tibre, au théâtre de Marcellus, le Teatro di Marcello. Commencé par Jules César, le Teatro di Marcello fut achevé onze ans avant notre ère par Auguste, qui le dédia à son neveu Marcellus. Pourtant héritier logique de son oncle, ce neveu était mort à dix-neuf ans et Virgile le pleure au chant VI de "L'Enéide" (...). Le Destin dont parle Virgile, on verra dans ce numéro d'"Avant-scène cinéma" que Bertolucci estimait qu'il présidait au sort du personnage du roman de Moravia.

Même si l'Amérique du Sud est riche en cinématographies fascinantes, peu de voix se sont imposées avec une force aussi évidente que celle de Lucrecia Martel. Depuis son premier long métrage jusqu'à "Zama", la réalisatrice argentine a su poser un regard unique, nimbant de mystère des scènes qui pourraient être quotidiennes mais prennent toujours, devant sa caméra, une force et une opacité indéniables. Il serait facile de ressortir l'héritage du réalisme politique de Gabriel Garda Marques, entre autres, et il y en a effectivement des traces dans le cinéma de l'auteure.

Une corne de brume retentit tandis que la caméra évolue dans les profondeurs sous-marines. Une voix off masculine prend la parole en néerlandais : "Si j'avais un fils, que lui dirais-je en guise de bienvenue en ce monde ? Je ne décrirais peut-être qu'une soirée, rien d'autre. Une soirée sur mon bateau, ce lourd cargo bâti qui, en un instant, peut devenir une fragile coquille, ballottée par les forces de l'océan. Je lui parlerais de ce monde d'hommes qui est le mien. Je lui parlerais de notre vie passée à essayer de contrôler l'incontrôlable." Qui parle ?