La crise économique ne freine pas l'exaltation patriotique : rejet de l'Occident, glorification de l'identité slave et de la religion orthodoxe, nostalgie de la Russie impériale.

Depuis l'effondrement de l'URSS, la Russie poursuit sa difficile mue identitaire. Réhabiliter certaines grandes dates de l'histoire soviétique qui portaient en elles des valeurs démocratiques permettrait de souder les citoyens d'un pays atomisé.

Le régime politique qui détient actuellement le pouvoir en Russie, incarné par le Premier ministre Vladimir Poutine, avec ses spécificités, telle la bicéphalie extradémocratique de l'exécutif ou l'imbrication extrême des intérêts politiques et économiques des élites, est en passe d'élaborer sa propre théorie de gouvernance. La verticalité du pouvoir, la démocratie souveraine, autant de concepts brevetés par les idéologues de l'ère Poutine. Une représentation particulièrement sollicitée est celle de l'identité nationale russe.

Dans la Russie en proie au capitalisme sauvage, les anciens de la nomenklatura, dûment pourvus de gardes du corps, sont les premiers à piller les biens de l'Etat, au grand écoeurement d'une population qui rêve déjà d'un nouveau despote.

Après la Tchétchénie et le Tatarstan, aujourd'hui virtuellement indépendants, ce sont des pans entiers de l'ancienne Russie qui revendiquent, de l'Oural à Vladivostok, un statut d'économie. Aux prises avec des problèmes constitutionnels et politiques inextricables, Boris Eltsine pourra-t-il contenir ces tentations séparatistes ?

Le Premier ministre russe a réussi sa percée grâce à la guerre en Tchétchénie et à une campagne digne d'une république bananière.

A Moscou, les ultranationalistes n'ont plus le vent en poupe. Le chef du Kremlin a dû faire une pause dans l'annexion des "terres russes" d'Ukraine. Son projet de Nouvelle Russie attendra. Mais combien de temps ?

Si l'attitude du cabinet russe inspire à quelques esprits une confiance excessive, elle excite en revanche bien des craintes légitimes ou déplacées. Au milieu des calamités dont l'Occident est frappé, la Russie ne semble-t-elle pas contempler avec la sérénité du sage les agitations stériles de nos sociétés vieillissantes ? Bien mieux, elle fait avec aisance la critique de nos libertés sans règle, de notre philosophie sans issue. Sommaire. Entretien avec Hélène Carrère d'Encausse "Poutine veut restaurer le génie national russe". Les origines du nationalisme russe.

Du fait des manoeuvres de Vladimir Poutine en Crimée et dans l'est de l'Ukraine, les communautés russes qui résident dans les ex-républiques soviétiques se sentent de plus en plus isolées et menacées.

Le troisième mandat présidentiel de Vladimir Poutine amorçait déjà, en mai 2012, une nouvelle ère marquée par la répression du mouvement de contestation démocratique. Avec l'annexion de la Crimée, en mars dernier, Moscou affiche une nouvelle ambition géopolitique, celle de rassembler le "monde russe" au-delà des frontières de la Fédération. Non seulement les Russes sont les porteurs d'une "civilisation singulière" et d'une "mission historique", mais le Kremlin veut faire d'eux les gardiens des valeurs traditionnelles, très éloignées de celles du monde occidental.