Présenté en compétition au festival de Berlin, "Midnight Special" est reparti sans récompense et lesté d'un accueil poli mais distant. Sans doute le film n'était-il pas assez pur, pas assez exigeant, trop divertissant pour un jury qui prima un documentaire sur les migrants à Lampedusa et une méditation de huit heures sur la résistance philippine face à l'invasion espagnole à la fin du dix-neuvième siècle.

En quatre films, Jeff Nichols s'est imposé comme l'une des révélations majeures du cinéma américain de ces dix dernières années. Contrairement aux grands noms de la génération précédente (Soderbergh, les frères Coen, Tarantino), il revendique son classicisme par son respect des codes de narration, l'absence d'ironie, sa foi dans le récit et son attachement constant aux personnages.

La représentation du sud des Etats-Unis occupe une place majeure dans le paysage audiovisuel américain. Il n'est pour s'en convaincre que de songer à deux oeuvres cinématographiques récentes, "les Bêtes du Sud sauvage" de Benh Zeitlin et "Mud" de Jeff Nichols, dont le trait commun est le désir de célébrer, à travers le prisme du regard enchanté de jeunes héros, l'Amérique rurale restée fidèle aux valeurs de liberté et d'indépendance des pionniers...

Jeff Nichols invente le road movie SF sous influence spielbergienne avec "Midnight Special".

Cador annoncé du "jeune cinéma US", Jeff Nichols s'acquitte avec "Midnight Special" du toujours difficile "premier film pour un studio", avec un père, son fils et le Sud américain. Rien n'aurait donc changé depuis "Shotgun Stories" et "Take Shelter" ? Euh, il y a un peu des extraterrestres aussi...

Quatrième film de Jeff Nichols, surdoué du cinéma indépendant, "Midnight Special" est une étape-clé. Cet hommage à Spielberg est peut-être pour le cinéaste le passage dans la cour des grands. Peut-être.

Le cadre géographique du troisième film de Jeff Nichols (le fleuve Mississippi, dont deux enfants explorent les méandres et font ressurgir les secrets) ne peut qu'évoquer ces figures essentielles de la culture américaine que sont Tom Sawyer, son compagne Huck Finn et les fugitifs Joe l'Indien et Jim (l'un menaçant, l'autre bienveillant). L'apparition au bord de l'eau de Mud, assassin en fuite à la rechercher de nourriture, peut aussi bien évoquer celle, dans les marais, du forçat Magwitch, mauvais génie devenant l'ange gardien du jeune Pip dans ″Les Grandes espérances″.

Dans son quatrième long métrage, et alors même que le suivant, "Loving", en voie de finition pourrait se retrouver à Cannes, le réalisateur de "Take Shelter" et de "Mud, sur les rives du Mississippi" s'interroge une nouvelle fois sur l'influence de la tradition dans l'Amérique profonde, à travers l'irruption d'un être surgi de nulle part qui cristallise toutes les passions sur son passage et devient l'enjeu des causes qui le dépassent.

Après ″Magic Mike″, ″Killer Joe″ et ″Paperboy″, Matthew McConaughey surprend une novuelle fois en ténébreux fugitif dans ″Mud″, de Jeff Nichols. Et si cette image de play-boy dépassé qu'on avait de lui depuis des années était fausse ?