Quatre longs métrages et, aujourd'hui, cinq autres regroupés sous le titre "Small Axe" et cinq entretiens avec notre revue. C'est dire l'importance que nous accordons à l'oeuvre de Steve McQueen depuis la découverte éblouie de "Hunger", Caméra d'or au Festival de Cannes en 2008. Il aurait dû faire son grand retour sur la Croisette en 2020 avec la sélection de "Mangrove" et "Lovers Rock", deux parties de "Small Axe".

Du 9 au 13 juin 2021, le Festival Cinélatino consacre à Toulouse un cycle de six longs métrages à la documentariste brésilo-néerlandaise Maria Augusta Ramos, en sa présence.

Le critique, professeur et programmateur Victor Guimaràes est le cofondateur de la revue brésilienne "Revis ta Cinética"; il a écrit pour diverses revues internationales ("Con Los Ojos Abiertos", "Senses of Cinema", "Desisrfilm", "La Vida Util", "Lafuga", "La Furia Umana"). Il se penche ici sur l'importance des films de Pedro Costa dans la représentation de la misère, en le rapprochant notamment de "l'esthétique de la faim" définie par Glauber Rocha - question esthétique et politique centrale du cinéma d'Amérique latine.

Pour son troisième long métrage, après le singulier documentaire "Retour à Kotelnitch" (2003) et l'adaptation tardive de son propre roman - jugé inadaptable - "La Moustache" (2005), Emmanuel Carrère mêle réel et fiction en adaptant l'ouvrage retentissant de Florence Aubenas, "Le Quai de Ouistreham". Le projet porté par la volonté de Juliette Binoche permet au romancier cinéaste de s'approprier le sujet, en y greffant un des thèmes récurrents de son oeuvre romanesque : la mise en abyme de la création elle-même.

Avec "Un autre monde", acclamé par la critique internationale au dernier festival de Venise (lire n° 729, p. 30), Stéphane Brizé clôt une trilogie entamée avec "La Loi du marché", en 2015, suivi d'"En guerre", en 2018. Trois films avec Vincent Lindon pour protagoniste, trois oeuvres centrées sur l'humain comme variable d'ajustement d'un néolibéralisme pernicieux. Un autre monde présente ici l'amont de ce dont "La Loi du marché" était l'aval, à savoir la programmation d'un plan social draconien et sacrificiel.

Ada, l'héroïne des "Poings desserrés", vit un quasi-esclavage domestique dans une cité minière déglinguée de l'Ossétie du Nord, enclavée entre deux montagnes pelées et poussiéreuses. Ses deux seuls horizons sont une barre HLM, contre les murs de laquelle de jeunes désoeuvrés tirent à balles réelles ou lancent des pétards - élargissant le champ de leurs loisirs à des rodéos automobiles -, et une minuscule échoppe de quartier, où vient régulièrement lui conter fleurette le jeune Tamik, qu'elle rejette avec constance.

La nuit, au milieu de nulle part, Ali danse rageusement sur le toit de sa voiture au son d'une musique syncopée. Frustré d'avoir abandonné trop tôt une carrière de DJ et d'être condamné à vivre sous le même toit que sa femme qu'il n'aime plus, ce trentenaire virevoltant apaise sa colère en se coupant du monde à l'aide de son casque Bluetooth. Les nuits d'Ava sont moins tonitruantes. Veuve depuis un an, elle élève seule ses enfants et même ses petits-enfants et se console en écoutant de la country-folk qui lui rappelle ses origines irlandaises.

C'est entendu : Jacques Doillon est un cinéaste qui aime ancrer ses histoires dans le réel et leur donner la couleur d'une époque. Il suffit de regarder les vêtements, les coiffures, les véhicules, les objets du quotidien, les attitudes voire les corps des acteurs pour comprendre que les événements se passent à tel ou tel moment de notre histoire. Parfois, le contexte socio-économique même constitue un arrière-plan indispensable.

"La Règle du jeu" ressort en copie restaurée : une "danse sur un volcan" loin d'être éteint, tant notre époque ressemble parfois à un remake des années 30.

Il fut un temps (les années 1970) où le bleu de travail, la chaîne ou la sueur ouvrière ne constituaient pas un point aveugle du cinéma, un hors-champ un peu honteux en raison de son inesthétisme et du vocabulaire carencé des personnages.

Une nuit dans un parc, trois Arabes discutant tranquillement autour d'un joint sont pris pour cible par quelques jeunes, qui les bastonnent en leur criant de rentrer chez eux. La police intervient, l'un des agresseurs est arrêté, libéré le lendemain grâce au patron de son père, ouvrier à l'usine de balances Blanco. Une attaque raciste et brutale, qui installe d'emblée des rapports de pouvoir.

Jeune journaliste, Michel Audiard écrivait sous pseudo des reportages sur la pègre dans "L'Etoile du soir". Dans l'article qu'il consacre à cette période peu connue de celui qui n'était pas encore le dialoguiste culte des "Tontons flingueurs", Franck Lhomeau, son biographe, raconte que cet "envoyé spécial permanent" parcourait "le monde de sa chambre, sans quitter ses pantoufles, en pratiquant le "reportage immobile". Une pratique couramment acceptée à l'époque. Rien n'était vrai, mais rien n'était vraiment faux : on entretient la légende, on romance la vérité.