On décrit souvent Stendhal comme plus oublieux des déterminants sociaux, plus distraitement aristocratique, plus « moi » que Balzac, régal des marxistes, chouchou des hégéliens, fond de sauce littéraire des politiques. Certes, Balzac parle en mal du progrès, mais il est en cela le cousin de droite de Hugo et de Zola, qui en parlent amoureusement. L'important, c'est d'en parler, de voir éclore dans son oeuvre le beau et grand progrès, idée neuve du XIXe née d'une idée neuve du XVIIIe: le bonheur.

Marthe Bibesco meurt à Paris en novembre 1973, à 87 ans. Notons avec effusion que le dernier acte littéraire de sa vie aura été d'envoyer un article sur la voiture électrique à la "Revue des Deux Mondes" (où son neveu Mihaï de Brancovan écrira des chroniques sur l'art lyrique).

"Allô, Marius ? Je te le dis parce que je pense que c’est important que tu le saches : tu dînes avec le président ce soir. - Ah ! bonsoir monsieur, je vois qui vous êtes mais je ne crois pas que nous nous connaissions... - Oui alors Marius, écoute, ne fais pas l’enfant, hein ? On se connaît même si on ne s’est jamais rencontrés, le président te lit - enfin il ne te lit pas mais il te lit parce que politiquement là tout de suite et parce que je lui dis, il faut qu’il fasse semblant de te lire comme plein d’autres auteurs dans ton genre plus ou moins baroque. (...)

Marin de Viry livre la critique du livre de Roland Jaccard, "Station terminale", dans lequel il invente un frère simplet à son narrateur diariste, lequel n'est autre, on l'aura compris, que l'auteur lui-même dans sa version d'outre-tombe.

Comme une marque de tisane qui aurait progressivement élargi sa gamme pour séduire de nouvelles clientèles, l'infusion de la culture américaine dans les esprits français fut d'abord composée de culture, puis de méthodes de raisonnement économique qui se sont progressivement substituées à notre rapport si délicat à l'argent, et désormais de métaphysique. Or la culture française disparaît très vite d'un cerveau qui en est coupé et qui peut trouver une solution de rechange en adoptant la culture de son milieu d'arrivée.

La dernière fois que j'ai franchi les portes du Bon Marché, c'était il y a un peu moins de dix ans, et cela ne s'était pas passé comme prévu par moi-même ni par le Bon Marché. La traversée involontaire du rayon lingerie de cet établissement- un piège rose et crème- a créé un traumatisme, dont je n'ai pu me débarrasser qu'en écrivant, carrément, un livre.

J'ai un privilège : être le premier à lire le prochain roman de Frédéric Beigbeder. J'ai un devoir : en faire la critique. J'ai une limitation : ne rien dire de son contenu explosif. J'exerce une fonction bien connue des producteurs de contenu culturel en régime de crétinisme généralisé et d'agressivité permanente : "teaser" un scandale, en situation de monopole provisoire.

Les deux athlètes ne sont pas sur le même stade au même moment, le public n'est pas le même, il n'y a d'ailleurs pas de compétition, et ce n'est pas le même sport. Toutefois, ce sont deux écrivains français qui ont vécu à la même époque. Les étudier ensemble ne prend sens qu'en faisant intervenir un changement historique; l'un occupe un moment et un lieu, et l'autre le moment d'après et un autre lieu. C'est, au-delà de la discussion sur leur mérite littéraire, l'histoire en marche qui explique l'étanchéité de leurs oeuvres, qui globalement se regardent comme deux poules deux couteaux.

En cette fin 2020, une question traverse les esprits français: sur qui taper ? Certes, cette interrogation a l'air rustique, voire brutale, et n'a rien d'une élégante problématique de think tank.