A travers trois figures d'actrices, un portrait en coupe de la condition faite aux femmes par la société iranienne, doublé d'une réflexion sur le pouvoir et les ambiguïtés des images.

Condamné à ne plus faire de cinéma, le réalisateur Jafar Panahi vient de signer un très bon film, "Trois Visages". Comment est-ce possible?

Jafar Panahi met en regard la légitimité et la reconnaissance accordées à ses trois héroïnes et interroge la société iranienne : comment peut-on se prévaloir de "l'honneur" qu'il y aurait à recevoir une actrice vedette, tout en maintenant à l'écart une ancienne légende, et en refusant à une jeune villageoise le droit de tenter sa chance en suivant ce qu'elle pense être sa vocation ?

L'lran a empêché Jafar Panahi de venir présenter à Cannes son film "Trois Visages" récompensé par le prix du scénario. Mais son actrice Behnaz Jafari était là. Elle témoigne.

Un homme et une femme remontent une rue animée d'une bourgade de Turquie avant de s'attabler à une terrasse où viennent à s'arrêter des musiciens ambulants. Une tranche de vie presque comme les autres. Soudain le visage d'un homme surgi de nulle part envahit brusquement l'écran après avoir mis un terme à ce qui s'avère être la répétition d'une scène de film. La caméra recule pour nous faire découvrir l'écran d'ordinateur sur lequel s'est inscrite cette image et celui qui la scrute avec attention, Jafar Panahi.

Le nouveau film de Jafar Panahi s'ouvre sur une image pleine d'une promesse impensable au vu de la situation du cinéaste dans son pays. Une scène de vie quotidienne dans une rue turque, au milieu de laquelle la caméra s'attarde sur des détails anodins : un vendeur de thé ambulant qui tracte son chariot fumant, des musiciens itinérants qui séduisent le chaland par leurs percussions et leurs chants, des anonymes qui boivent des bières à la terrasse d'un café...

"Aucun ours", le nouveau film du cinéaste iranien, est en salle. Il brosse un tableau délicat et émouvant des impasses dans lesquelles se trouvait son auteur avant qu’il ne soit arrêté cet été 2022 et que la contestation ne déferle sur le pays.

Incarcéré pour "complot contre l'Etat", le réalisateur d'"Aucun ours" ne peut s'exprimer. Son fils Panah Panahi, également cinéaste, parle ici en son nom.