Soi-disant dévoué au service public, le superministre de Louis XIV mélange allègrement les caisses du royaume et les siennes. En vingt-deux ans de bons et loyaux services, il pervient à se constituer une fortune équivalent à 5% du budget de la France.

Il est communément admis que l'argent est un tabou bien français. Nous avions prévu d'intituler ce dossier "Surtout, ne pas parler d'argent" et étions assez satisfaits de notre joli titre. Mais, à mieux y réfléchir, notre assurance s'est vite fracassée. Pas un tabou mais cinq nous a dit le philosophe, et pas celui de l'argent niais celui de l'injustice de sa répartition et de sa provenance nous ont dit l'historien de la littérature et les sociologues. Et plus grave que le tabou de l'argent est celui de la pauvreté, qui concerne trois millions d'enfants en France.

... les pauvres meurent, affirment un proverbe chinois et certaines théories économiques. La querelle sur une forte imposition des riches qui ne bénéficierait pas aux pauvres est d'actualité.

Le seul critère sur lequel tout le monde soit d'accord, le critère de Pareto (une théorie est meilleure quand elle est plus efficace pour tous), entraîne des inégalités dans la distribution des richesses.

Ardente combattante des inégalités, la sociologue Marie Duru-Bellat plaide pour une justice globale qui puisse assurer une meilleure répartition des richesses.

C'est un événement et un indice d'un changement de mentalité : pour la première fois, des économistes de plusieurs pays publient un "Rapport sur les inégalités mondiales". Lucas Chancel et Thomas Piketty en tirent les leçons pour "L'Obs".

Longtemps la romancière de "Bonjour Tristesse" a vécu à toute allure, écrivant le jour et dansant la nuit. Puis l'affaire Elf et les huissiers l'ont rattrapée. Et complètement ruinée.

Réflexion de Jean Gadrey, professeur honoraire d'économie à Lille, co-auteur de "Les nouveaux indicateurs de richesse" et président de l'association Fair (Forum pour d'autres indicateurs de richesse) sur le juste détermination des salaires, en France, en 2015. Une question qui ressurgit devant l'enrichissement express de certains, dans la finance ou les nouvelles technologies. Mais la réponse ne saurait relever de la science économique : l'utilité sociale d'un métier ne se mesure pas à sa valeur ajoutée monétaire, mais pas des critères qualitatifs à élaborer collectivement.

Pourquoi la notion de propriété est-elle aussi centrale dans notre système économique ? Le droit de propriété a longtemps été défendu comme un droit absolu, permettant en particulier d'abuser de l'objet possédé. Or, les dégâts provoqués par les abus de notre société de consommation doivent nous inciter à revaloriser l'idée d'usage et d'usufruit, notions qui se révèlent adaptés aux défis, notamment environnementaux, actuels.

Rencontre avec Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l'Ecole d'économie de Paris, également membre de l'association "Les économistes atterrés" et auteur de "Tous rentiers ! Pour une autre répartition des richesses", qui revient sur l'inégale répartition des revenus. Improductifs, les bas salaires, vraiment ? Non, pour Philippe Askenazy, qui y voit surtout une légitimation des écarts de revenus. Les plus qualifiés se voient ainsi attribuer une rente, de même que les propriétaires fonciers et les multinationales qui s'accaparent une connaissance produite par tous.

Il est temps que notre système statistique mette davantage l'accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique, notait en septembre 2009 la commission Stiglitz dans son Rapport sur la mesure des performances économiques et du progrès social. [...] Car il existe un écart croissant entre les informations véhiculées par les données agrégées du PIB [produit intérieur brut] et celles qui importent vraiment pour le bien-être des individus.

L'affaire des biens mal acquis va être enfin portée devant la justice. Une victoire de haute lutte pour les associations qui dénoncent depuis trois ans l'immense patrimoine des chefs d'Etat africains sur le sol français.