"Saint Omer" est le premier long-métrage de fiction d’Alice Diop. Aussi singulier que vertigineux, il a été primé à la Mostra de Venise et représentera la France à la cérémonie des Oscars. La réalisatrice explique ici les raisons pour lesquelles elle fait du cinéma.

La conscience des inégalités vient-elle avec la transformation des pratiques professionnelles ou avec le renouvellement des représentations ? Voilà près de cinquante ans, Laura Mulvey formulait une notion dont la fortune médiatique allait largement déborder le cadre de son énonciation. En mobilisant Freud et Lacan à l'usage des films classiques hollywoodiens, elle découvrait la structuration des regards et la conformation des désirs.

Qui sont-elles, ces héroïnes des films de Jacques Rivette qui, dans la deuxième moitié des années 90, avant que l'oeuvre du cinéaste rouennais n'entame son dernier tournant, rivalisaient de grâce, d'attrait, de courage, de consistance et d' enchantement ? De quel bois se chauffent-elles ? Par quels angles inusités nous entraînent-elles dans leurs ténébreuses affaires ?

Dans "Variety" de Bette Gordon, film de 1983 qui ressort ce mois-ci après sa projection au Festival Lumière, Nan Goldin incarne une serveuse du Tin Pan Ailey, bar mythique de Times Square où elle était employée au début des années 80, quand elle entamait son travail de photographe et la réalisation de "The Ballad of Sexual Dependency". Cinéphile obsessionnelle, elle raconte son rapport à la communauté de cinéastes new-yorkais de l'époque et l'importance du cinéma dans son travail de photographe, amour renouvelé par une activité de programmation.

Une femme de notre temps rue dans les brancards : à l'écran, le sujet a de beaux lendemains. Entre 2019 et 2020, en pleine pandémie, un tel personnage est abordé dans un corpus de films qui font date "Balloon" de Pema Tseden, "Promising Young Woman" d'Emerald Fennell, "La Terre des hommes" de Naël Marandin, "Pieces of a Woman" de Kornel Mundruczo, "Adieu les cons" d'Albert Dupontel, "My Zoé" de Julie Delpy.

Inuyo Tanaka est sans aucun doute la plus grande vedette du cinéma japonais. Elle n'a que 14 ans quand elle interprète son premier rôle en 1924, dans le film muet d'Hotei Nomura "La Femme de l'ère Genroku" ("Genroku onna"). A 19 ans, elle est une star. Elle tourne avec tous les réalisateurs japonais jusqu'en 1976, date à laquelle elle met un terme à cinquante-deux ans de carrière en participant au film de Yasuzo Masumura "La Berceuse de la grande terre" ("Daichi no komoriuta").

De nuit, sur une plage, une femme en robe blanche marche, titube plutôt. Elle est blessée. Parvenue au bord de l'eau, elle tombe, morte. Ces images intrigantes ouvrent le premier film très troublant réalisé par l'actrice Maggie Gyllenhaal. On pourrait dire qu'il s'agit d'un film sur la difficulté d'être mère, d'être femme, d'être femme et mère. Un tel résumé ne serait pas faux. Il ne rendrait pas justice à une oeuvre qui n'a rien du film-dossier, mais nous donne à voir la complexité d'un être par des moyens proprement cinématographiques et en faisant surgir une certaine étrangeté.

Si depuis "La Leçon de piano" ("The Piano", 1993), qui marquait le début de sa reconnaissance publique et critique, Jane Campion a souvent été louée pour la justesse de ses représentations féminines, "The Power of the Dog" (2021 ; lire n° 730) nous rappelle en quoi cette qualité ne saurait se limiter à la caractérisation d'un genre unique. Tout en réinterrogeant la représentation de la femme à l'écran, le travail entamé par la réalisatrice néozélandaise a toujours engagé la prise en compte du masculin comme source de réflexion et de complémentarité.