Pour un coup d'essai, Laurent Larivière a tout simplement livré l'un des plus films français de la saison. Un film noir d'aujourd'hui avec des personnages au destin englué, qui nous offre un très beau face-à-face entre Louise Bourgoin et Jean-Hugues Anglade, qui trouvent conjointement ici l'un de leurs plus rôles. Elle incarne une jeune femme au bout du rouleau, qui butte contre les parois d'une société fermée. Il est son oncle, propriétaire d'un chenil dont les coulisses ne sont guère ragoutantes.

L'oeuvre de François Ozon attire indubitablement l'attention. Parce qu'elle est foisonnante, le cinéaste parvenant tant bien que mal à nous livrer un nouveau film chaque année, quelle que soit l'ambition du projet. Mais aussi parce qu'elle est des plus variées, Ozon alternant volontiers des oeuvres grand public, qui d'ailleurs cartonnent sans se faire prier, avec des films plus fragiles, souvent plus douloureux.

Philippe Lioret le dit une nouvelle fois dans les pages qui suivent : la mise en scène est belle quand on ne la voit pas. De fait, il fait partie de ces metteurs en scène dont on ne distingue pas la signature d'emblée, qui cherchent à s'effacer derrière un sujet, une émotion, ou des comédiens.

Parce qu'elle a longtemps contribué à l'écriture des films de son père, Gérard Oury, parce qu'elle veille depuis qu'elle est passée à la réalisation, avec "La Bûche", à conférer à ses films une certaine fantaisie, beaucoup considèrent Danièle Thompson comme étant avant tout au service de la comédie.

Luc et Jean-Pierre Dardenne appartiennent à deux ensembles de cinéastes que les commentateurs mettent souvent en exergue. D'un côté les frères de cinéma (une qualité partagée par les Larrieu, les Taviani, les Coen, les Wachovski), de l'autre ceux qui ont été honorés à deux reprises par une Palme d'or (à l'instar de Bille August, Emir Kusturica, Ken Loach, Francis Coppola, Shoei Immamura ou Michael Haneke). Ce n'est pas anecdotique.

La campagne électorale qui vient de se clore outre-Atlantique est la plus coûteuse de toute l'Histoire. C'est également sans doute celle qui a fait couler le plus d'encre et débouché sur le résultat le plus dramatiquement surprenant (quoique le premier de George W. Bush n'ait pas manqué de démarrer par un suspens incroyable). L'irruption de Donald Trump dans le paysage médiatique, puis son accession prochaine à la Maison Blanche sont un hommage sans doute involontaire à Yves Robert. Elles auront, n'en doutons pas, des retombées considérables. Y compris des répercussions cinématographiques.

C'est peu dire qu'Emmanuelle Bercot est actuellement portée par un vent favorable. Après avoir prouvé qu'elle était une comédienne peu banale, en tout cas vibrante dans "Mon roi", de Maïwenn, elle fait une nouvelle fois montre d'un savoir-faire souverain en signant un film reposant sur un scandale qui a défrayé la chronique il y a peu : l'affaire du Mediator, du nom de ce médicament qui a assuré la fortune de l'industrie pharmaceutique, mais provoqué la mort de centaines de patients qui y avaient recours.

Les lecteurs de "L'Avant-Scène Cinéma" auront sans doute été frustrés de ne pas retrouver aussi souvent qu'ils l'auraient souhaité Gérard Camy, éminent membre du comité de rédaction, dans les pages de la revue ces derniers temps. L'explication est simple : notre homme était en train de visionner, en compagnie de son fils Julien, des centaines de films consacrés au sport, l'autre passion des deux hommes (avec le cinéma). Le résultat est un livre somptueux, un album recensant plus de mille films ayant un sport comme axe principal ou sujet attenant.

L'année est riche pour Michel Leclerc. Quelques semaines à peine après la sortie de "Je suis à vous tout de suite", de Baya Kasmi, sa compagne, il a coécrit le scénario, voici "Le Vie très privée de Monsieur Sim", dont il a coécrit le scénario, de façon réciproque avec Baya Kasmi. Le nom de Michel Leclerc reste bien entendu attaché au "Nom des gens", qui nous a passionné, feu d'artifices d'idées de scénario comme de mise en scène, soutenant un contenu généreux, à la fois inquiet et drôle.

Talentueux dans le court et moyen métrage, Sébastien Betbeder finit par se tourner vers le long. A son actif dans ce format, "Deux automnes, trois hivers", une trilogie en cours de conclusion autour du Groenland et le romanesque, inventif et parfois foutraque "Marie et les Naufragés", portée la talentueuse Vimala Pons.

Pour son troisième long métrage (non compris sa collaboration à la série "10%", coordonnée par Cédric Klapishc et le sketch du film collectif "X-femmes", interrogeant la sexualité féminine), Lola Doillon revient à ses premières amours, celles des enfants. Pour les exprimer elle a choisi d'adapter le livre de souvenir de Fanny Ben-Ami, qui a échappé à l'âge de douze ans à la barbarie nazie en s'enfuyant en compagnie d'une bande de gamins plus jeunes qu'elle encore à travers la France.

Le cinéma a largement pris sa part dans le débat de la question irlandaise, une part houleuse ranimée par la sortie du "Vent se lève", ouvertement anti-Britannique, tant la Couronne y impose violemment sa loi. Les accents patriotiques du "Michael Collins" du réalisateur irlandais Neil Jordan témoigne qu'aborder la question irlandaise reste toujours sujet à polémique. Pourtant, la lutte pour l'indépendance, la blessure de la partition, les luttes armées qui ont perduré, l'immigration transatlantique constituent de formidables thématiques cinématographiques.

Quelques mois seulement après le très prenant "Chouf" de Karim Dridi, un nouveau film nous laisse entendre battre le coeur de Marseille, à travers des personnages des quartiers défavorisés et pour lesquels la délinquance n'est jamais loin. mais ce n'était pas le dessein de Dominique Cabrera de dresser un constat social désespérant. Elle a veillé bien au contraire à ce que la possibilité d'un faux pas confère une valeur supplémentaire à cette soif de liberté qui irrigue le film.

"Chez nous" ne fait pas dans la demi-mesure, il appelle un chat un chat, et un populiste un populiste. Mais il n'est pas pour autant dépourvu de cette humanité qui irrigue tous les films de Belvaux (à l'exception peut-être de "38 Témoins", volontairement distancié). Compte tenu de son sujet, et à l'aune des réactions de la simple bande-annonce du film a fait naître, il est à craindre que le film quitte les pages culture des journaux pour émigrer vers les pages politiques.

Stephen Frears prépare actuellement un biopic de Florence Foster Jenkins, avec Meryl Streep dans le rôle-titre. Une cantatrice dont la place est paradoxalement remarquable dans l'histoire de la musique lyrique : elle chantait comme une casserole. Mais avec un désir de bien faire et de ne jamais lâcher prise qui ne peut que susciter l'admiration. Cette dame a sévi aux Etats-Unis entre 1912 et 1944. Xavier Giannoli s'est également intéressé à cette Castafiore du siècle dernier, mais en prenant du recul. Son héroïne s'appelle Marguerite, elle est française et se frotte aux années 20.

Une Palme d'or inattendue, qui vient couronner la carrière de Jacques Audiard, cinéaste certes tardif mais qui est de toute évidence l'un des plus intéressants du moment. Comme à l'accoutumée le signataire d'"Un Prophète" s'empare des canon du film de genre pour mieux les transcender et fait mine de se frotter au réel pour nous offrir in fine un opéra par moments des plus baroques. La couleur qui prévaut est sans contestes le noir dans ce film qui met l'accent sur les zones de non-droit plantées au coeur de ces cités que l'on qualifie pudiquement de "'sensibles".

Il y a cinq ans, nous sommes tombés amoureux d'un film de Michel Leclerc, "Le Nom des gens" (no 593), qui avait le triple mérite de nous faire rire aux éclats, de nous offrir un récit à la construction brillante et de nous faire réfléchir à nombre de problèmes graves, tournant autour de l'immigration et de l'identité. Pour parvenir à ce brillant résultat, Michel Leclerc avait reçu le renfort de sa compagne, Baya Kasmi. C'est le même tandem gagnant qui a écrit le scénario de "Je suis à vous tout de suite".

Il y a près de dix ans, "Le Voyage en Arménie" ouvrait de nouveaux horizons dans l'oeuvre de Robert Guédiguian. Comme une prise de conscience que l'être humain est aussi constitué par ses racines. "Une histoire de fou" poursuit cette réflexion en revenant sur le traumatisme majeur du peuple arménien, celui du génocide perpétré par les Turcs il y a tout juste un siècle et dont l'enfouissement dans les mémoires a débouché sur la violence des années 70 et 80.

L'événement vidéo de cette fin de saison est sans conteste la publication d'un superbe coffret Jane Campion, regroupant à quelques détails près la totalité d'une oeuvre aussi riche que variée.

Jean-Jacques Annaud n'est pas de ces cinéastes qui nous donnent des nouvelles tous les six mois. Et pour cause : ses films sont en général d'une ambition peu commune qui demandent plusieurs années de gestation. Ce n'est pas par ailleurs lui faire offense que de dire que ses derniers films nous avaient un peu laissés sur notre faim... C'est par conséquent avec un plaisir intense que nous retrouvons l'auteur de « L'Ours » et du « Nom de la rose » au meilleur de sa forme.

Il existait indéniablement des éléments comiques dans "J'attends quelqu'un" " et "Le Temps de l'aventure". Ils n'étaient pas là par hasard, tant Jérôme Bonnell se régale à glisser ici ou là des peaux de bananes sous les pas de ses personnages, ce qui ne limite en rien leur capacité à nous émouvoir. Au contraire. Avec "A trois on y va", il fait un pas supplémentaire en direction du burlesque et montre qu'il possède en la matière un savoir-faire rare, qui n'a pas pour autant vocation à transformer le film en un (brillant) exercice de style.

Il est communément admis que la "naissance" du cinéma date du 28 décembre 1895, dans le salon indien du Grand Café, boulevard des Capucines, à Paris. Parce qu'est à ce moment-là qu'a lieu la première projection publique payante. Ce jour-là il n'y a que trente-trois spectateurs dans la salle. Dont un certain Georges Méliès, magicien de son état, qui sort subjugué, avec la ferme intention d'apporter sa pierre à l'édifice de cet art naissant. On connaît la suite...

Film après film, le plus souvent sans déclencher de tempêtes médiatiques (ses films mériteraient pourtant une reconnaissance plus large), Pierre Jolivet est parvenu à signer une oeuvre. Le mot n'est pas trop grand si l'on considère la belle qualité de ses films et l'extrême cohérence de son propos, même si le cinéaste godille en permanence entre la noirceur (qui n'exclut pas une grande tendresse pour le genre humain, au contraire) et la comédie (qui s'empare en toutes circonstances de questions qui n'ont rien d'anodines). Avec "Jamais de la vie", nous sommes clairement du côté du pessimisme.

Après deux films de facture que l'on pourrait qualifier de classique, "Le Bleu des villes" et "Je ne suis pas là pour être aimé", Stéphane Brizé a signé une oeuvre pas comme les autres, "Entre adultes", un exercice de style qui n'avait pas vocation à être distribué en salle. Mais le film fut montré, grâce à Claude Lelouch, qui y avait trouvé ces fameux "parfums de vérité" qui l'obsèdent. Pour autant, le cinéma de Brizé n'est pas celui de l'auteur de "Roman de gare", qui lui, ne dédaigne pas le romanesque.

Après "Du bruit des gens autour", film choral autour du Festival d'Avignon, Diastème revient au cinéma avec un second opus qui a fait couler pas mal d'encre. Il faut dire qu'"Un Français" a pour personnage principal un skin au front bas, carburant à la bière et à la haine. Nombre de films ont mis au centre des personnages qui, le temps étant meurtrier, perdaient peu à peu leurs illusions de jeunesse. Le héros d'"Un Français" perd, quant à lui, sa haine. Ce qui a pour lui des conséquences dramatiques, car il perd par là même ses repères, ses amis, voire la garde de sa fille...

Jean-Claude Brisseau nous reçoit dans le décor de « La Fille de nulle part » : son appartement. Les meubles, les cassettes, les DVD, les livres, rien n'a été changé pour le tournage. Cette familiarité troublante, qui fait la magie du film, nous la retrouvons pendant la conversation. Seule, sur le mur du salon, la photo noir et blanc, encadrée de rouge, d'une mystérieuse actrice 1925 a été apportée spécialement pour les prises de vue. Mais Brisseau a décidé à la fin de la garder chez lui. Elle observe notre entretien, l'air un peu canaille, charmante et inconnue.

Autant le reconnaître, si Fabien Lacaf nous gratifie (presque) tous les mois d'un dessin original qui concoure, nous en sommes persuadés, à l'originalité et à l'esthétique de la revue que vous tenez entre les mains (à moins bien sûr qu'elle soit posée sur la table), ce n'est pas par hasard. L'excellence de son trait n'a en effet d'égal que sa passion du cinéma. Raison pour laquelle il est devenu l'un des storyboardeurs les plus cotés de ce côté-ci de l'Atlantique, qui se régale notamment dès qu'il s'agit de préparer un film à costumes. Les quelques planches de « Monsieur N.

Il fut un temps où les jeunes réalisateurs français entraient dans la carrière en puisant dans leur vécu et en inscrivant celui-ci dans le cadre de ce qu'on a pu qualifier de cinéma de chambre, voire de chambre de bonne, parce qu'il restreignait son cadre à un simple décor, pour des raisons davantage économiques qu'artistiques. « Les Lendemains » assume de la plus belle manière qui soit cet héritage de la Nouvelle Vague, en prenant le pouls de notre époque à travers ce qui ressemble à une chronique de la fragilité ordinaire.

A film-fleuve, entretien-fleuve. Nous ne pouvions pas faire autrement que revenir encore et toujours avec Alexandre Arcady sur l'Algérie, son obsession tant personnelle que cinématograhique. Car ″Ce que le jour doit à la nuit″, pour être adapté d'un roman à succès, est sans doute son film le plus autobiographique. Une fresque gorgée de lyrisme, qui zigzague avec subtilité entre la petite et la grande Histoire, dégageant une émotion qui ne nous lâche pas durant les 2h40 que dure le film.