Au tournant des années 1820, Franz Schubert est connu à Vienne d'abord pour ses lieder. Ses symphonies, jouées uniquement lors de réunions informelles de musiciens amateurs, ne sont familières que d'une poignée d'amis et de mélomanes. Une fois terminées sa 6e en 1818, Schubert change de braquet : deux fragments -"D615" (1818) et "D708" (1821) - le montrent s'émancipant du modèle classique auquel il s'est jusqu'ici tenu et essayant de faire sauter un verrou qui doit beaucoup à la mainmise de Beethoven sur le genre.

Lorsqu'Herbert von Karajan succombe à un infarctus, le 16 juillet 1989, disparaît un véritable dieu vivant. Sa mort laisse le monde musical à la fois libéré et désemparé. Libéré dans la mesure où Karajan faisait depuis plusieurs années figure de vestige - comme lors du Concert de la Saint-Sylvestre 1988, où il écrase, commandeur brejnévien, le tout jeune Kissin dans le "Concerto" de Tchaïkovski.

Arrivé à Prague le 11 janvier 1787, Mozart dirige le soir même une représentation des "Noces", et prépare aussitôt le concert qui doit se tenir, le 19, à son bénéfice : il s'y présente à la fois en pianiste, improvisant abondamment, et en compositeur d'une nouvelle Symphonie en ré majeur. Triomphe.

"Parfois, j'entends de la pièce voisine s'élever un farouche ré mineur", note Clara Schumann dans son journal, fin mai 1841. Robert, qui vient d'écrire coup sur coup la Symphonie n° 1 "Le Printemps" et l'Ouverture, scherzo et finale, travaille d'arrache-pied au projet le plus radical et ambitieux de sa fameuse "année symphonique".

"J'ai peu de nouveaux lieder, par contre, je m'essaie à plusieurs choses instrumentales, car j'ai composé un octuor, deux quatuors, et je m'apprête à en écrire un autre : je veux, de cette façon, me frayer la voie vers la grande symphonie." La lettre adressée à l'ami Kupelwieser le 31 mars 1824, quelques jours après la fin du travail sur le Quatuor «La Jeune Fille et la mort»,nous rappelle que les antécédents symphoniques de Schubert étaient ou bien modestes ("Symphonies n°s 1-6"), ou bien inachevés ("n°s 7" et "8", 1821-1822)

Le pianiste et compositeur anglais Charles Neate (1784-1877) confiait, au soir de sa vie, n'avoir "jamais rencontré d'homme aimant autant la nature que Beethoven". Loin de s'en délecter béatement, il lui fallait l'éprouver dans toutes ses humeurs, sentir sur son visage rafales de vent, pluie battante, soleil cuisant. Dans le même temps, la quiétude d'un paysage, le scintillement d'une cascade pouvaient le plonger dans une extase quasi religieuse. C'est cette communion à la fois physique et spirituelle qu'exprime la Symphonie "Pastorale".

Sa baguette projetait ombres et clartés avec autant d'aisance que de rigueur. Admiré pour une sonorité conjuguant à un degré rare ouverture et densité, ce Saxon grand teint fut le moins égotique, le plus racé des chefs allemands.

Géant de la direction qui vient de s'éteindre à l'âge de quatre-vingt-douze ans, Bernard Haitink s'inscrivait dans une lignée de chefs- Schuricht, Monteux, Wand, Blomstedt - plus soucieux de servir la musique que de soulever les foules.

Aimé du public et des musiciens comme nul autre chef de sa génération, Carlo Maria Giulini était l'humilité, l'intégrité incarnées. Un esthète éperdu également, pour qui la musique reposait d'abord sur le chant.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le chef d'origine hongroise fut l'incarnation du renouveau. Entre Salzbourg, Vienne, Munich et surtout Berlin, quatorze années suffirent à cet écorché vif pour prendre place parmi les mythes du XXe siècle.

Lorsque, le 30 décembre 1884, l'accueil l'enthousiaste à Leipzig de sa "Symphonie n° 7" lui laisse entrevoir un début de reconnaissance, Anton Bruckner travaille depuis six mois à la" 8e", partition bien plus audacieuse et monumentale qu'il achève en août 1887.

Warner réunit en un coffret les live munichois de Sergiu Celibidache, dont la publication débutait en 1998, deux ans après sa mort. Précieux témoignages sur l'art d'un chef allergique au disque.

Lorsqu'il entreprend, fin juin 1788, ses trois dernières symphonies, exilé dans un faubourg de Vienne, Mozart a perdu ses soutiens de l'aristocratie et ses finances sont mal en point Sa puissance créatrice, elle, n'a jamais été aussi exultante : six semaines seulement s'écoulent entre l'entame de la "39e" et l'achèvement de la "41e", écrite en seize jours. Entre-temps, Theresia, quatrième enfant du couple Mozart, est morte à l'âge de six mois.

A la fin de la décennie 1960, le jeune chef japonais incarne, aux côtés de Zubin Mehta et Claudio Abbado, une relève prometteuse. Première star classique originaire d'Extrême-Orient, Seiji Ozawa s'impose alors comme virtuose et coloriste. Il vient de s'éteindre à quatre-vingt-huit ans, au terme d'une carrière dont l'éclat des quinze premières années reste sans égal.

Jeune, Yehudi Menuhin émut la terre entière par la poésie dévorante de son jeu. Comme Maria Callas, il se livrait sur scène corps et âme, au-delà du raisonnable. Il en paya le prix avec un courage et une dignité qui demeurent sans doute sa plus grande leçon.