L'itinéraire de Karel Appel exposé au musée d'Art moderne multiplie les explosions de couleurs. On a beaucoup parlé de vitalité à son sujet, et ce n'est pas un vain mot quand on considère le volcanisme continu de cette oeuvre polychrome déployée sur soixante ans, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à son décès en 2006.

Jean Fautrier n'en fit qu'à sa tête et la postérité le lui a bien rendu, ne lui octroyant que du bout des lèvres la place qu'il méritait d'obtenir si tant est que cela soit un dû. Il fit valser les étiquettes que la consciencieuse histoire de l'art s'efforce d'attribuer à chaque nouvel impétrant se hissant sur les marches de la reconnaissance. Figuratif à ses débuts, si l'on considère le portrait déjà tourmenté de sa concierge en 1922, il se mua en artiste informel à la fin de cette même décennie avec les formidables lithographies illustrant «L'enfer» de Dante.

L'histoire de l'art, ou disons les catégories qu'elle emploie pour classer Camille Corot, n'apprend pas grand-chose au curieux qui, d'aventure, se risquerait à y regarder de plus près. Cofondateur de l'école de Barbizon, il appartient à la génération romantique et se situe en amont des impressionnistes. Voilà pour la fiche technique. Réglons la question des dates: il meurt en 1875, à 78 ans, ce qui en fait le strict contemporain d'Eugène Delacroix.

Quelle belle idée de se concentrer sur les débuts du Tintoret, ces quinze premières années d'activité du peintre dans la Venise du XVIe siècle avant qu'il n'atteigne de son vivant la gloire tant désirée ! Attesté par les tableaux, le coup de force annonçant sa maîtrise vaut par lui-même mais plus encore par la démonstration érudite et la présentation du contexte et des modèles artistiques qui vont influencer celui que Jean-Paul Sartre appelait « le séquestré de Venise ».

Frantisek Kupka aura côtoyé tous les courants de la modernité. Né en 1871 dans la partie orientale de la Bohême de l'ancien Empire austro-hongrois, qui sera rattachée au nouvel Etat tchécoslovaque à la fin de la Première Guerre mondiale, il meurt en banlieue parisienne, en 1957. Entre ces deux dates, celui qui aura été un des pionniers de l'abstraction au tournant du siècle dernier n'aura guère profité des joies de la reconnaissance.

Dans son introduction de 1929 au livre "Visages d'une époque" du photographe August Sander (1876-1964), le romancier Alfred Döblin souligne l'ambition d'une oeuvre qui fut le travail de toute une vie. "Sous nos yeux, écrit-il, se déroule en quelque sorte une histoire de notre société ou, plus exactement, une étude sociologique de ces trente dernières années." Avec "Hommes du XXe siècle", August Sander dresse l'image radiographique sans concession de la République de Weimar jusqu'à la catastrophe finale.