Etre « dans la place »? - l'expression a quelque chose d'agressif, d'invasif : il est vrai qu'il a fallu et faut encore aux femmes du courage et même de la combativité pour exercer leurs métiers dans de nombreux milieux à composante principalement masculine. Les récents développements de #MeToo ont montré combien le cinéma pouvait amplifier des rapports de pouvoir abusifs et, dans le même temps, les masquer. Sommaire. Le 'female gaze' n'existe pas. Les maux sont importants, du féminicide à l'écran. Déjouer le silence. Vidéo, vidi, vici : le CASB, une archive des luttes.

"L'Arbre aux papillon d'or" n'est pas le genre de film à nous faire la leçon. Son prologue en recèle pourtant une, toute simple : parfois, il faut et il suffit de répondre au téléphone. Qui sait, Dieu en personne se trouve peut-être au bout du fil ? C'est en tout cas ce qu'imagine avec ironie le jeune Thien (Le Phong Vu), la tête enfoncée dans sa serviette, plus concentré sur les caresses érotiques prodiguées par une masseuse que sur les vibrations de son smartphone. En réalité, ses amis cherchent à le joindre pour une raison grave. Sommaire. L'appel du dehors, la critique du film.

Sous le titre "El ojo que miente", Érik Bullot et Francisca Garcia ont conçu, entre mars et septembre 2023 à Santiago du Chili, une reconstruction rêvée des installations de Raoul Ruiz. De son côté, le Centre Pompidou présente le 4 octobre une programmation de films d'exposition tournés par le cinéaste au début des années 80 et restés invisibles jusqu'à présent.

Il arrive parfois qu'une injustice soit réparée par le travail d'un distributeur indépendant : c'est le cas de "Bushman", premier long métrage de fiction de David Schickele, restauré par Milestone Films, présenté l'été dernier au Cinema Ritrovato de Bologne ("Cahiers" n°801) et désormais distribué en France grâce à Malavida.

Dans un musée, deux personnages regardent fixement des tableaux représentant des paysages nocturnes: impossible de ne pas y voir une mise en abyme du fond très sombre sur lequel se déploie "J'étais à la maison, mais...", à la temporalité scandée par quelques nuits.

Le dernier cinéma associatif de la capitale, La Clef, fermé en avril 2018 après quarante-cinq ans d'existence et occupé depuis septembre 2019 par l'association Home Cinéma (Cahiers no 760), fournira-il un modèle viable de salle art et essai à l'heure des réouvertures ?

La conscience des inégalités vient-elle avec la transformation des pratiques professionnelles ou avec le renouvellement des représentations ? Voilà près de cinquante ans, Laura Mulvey formulait une notion dont la fortune médiatique allait largement déborder le cadre de son énonciation. En mobilisant Freud et Lacan à l'usage des films classiques hollywoodiens, elle découvrait la structuration des regards et la conformation des désirs.

Quelle place pour le cinéma au musée ? Cela fait longtemps que les films sont exposés en galerie, que la pellicule argentique sert de support à la création contemporaine, et que les appareils de projection et les jouets optiques sont partie prenante d'installations artistiques, mais le cinéma tout entier, comme machinerie et comme art, comme cérémonie collective et culture visuelle, comment en dresser la chronique sans plier celle-ci à une vision téléologique ? Comment en faire le récit sans déplorer en même temps son achèvement à une époque où les salles se vident au profit des plateformes ?

Les films sont aussi vivants d'être tout entiers empreints de la lumière et de la trace des êtres et des choses gui les traversent. C'est à cette conception du cinéma comme art du sommeil et de la mémoire gu'a rendu hommage le jury international présidé par Lav Diaz en attribuant le Grand Prix à "Haruhara San's Recorder" de Kyoshi Sugita.

En 1974, Dominique Auvray rencontre Marguerite Duras et monte "Baxter, Vera Baxter". Cette rencontre et toutes celles qui suivront, avec Barbet Schroeder, Philippe Garrel , Benoît Jacquot, Claire Denis, Pedro Costa, Wang Bing ou encore Valérie Jouve et Naomi Kawase, détermineront la sensibilité si singulière de ses montages, nets et sans ornements, comme une calligraphie délicate et précise d'images et de sons.

Huit caméras enregistrent en permanence les procès des attentats du 13 novembre 2015. Un an après le procès des attentats de Charlie et de I'Hyper cacher, filmé, lui, par cinq caméras, ce "procès pour l'histoire" suscite nombre de questions quant à la loi de 1985 encadrant la présence de caméras dans les prétoires.

Dans "Variety" de Bette Gordon, film de 1983 qui ressort ce mois-ci après sa projection au Festival Lumière, Nan Goldin incarne une serveuse du Tin Pan Ailey, bar mythique de Times Square où elle était employée au début des années 80, quand elle entamait son travail de photographe et la réalisation de "The Ballad of Sexual Dependency". Cinéphile obsessionnelle, elle raconte son rapport à la communauté de cinéastes new-yorkais de l'époque et l'importance du cinéma dans son travail de photographe, amour renouvelé par une activité de programmation.

Du simulacre des studios aux dérives urbaines in situ, de Luchino Visconti ("Nuits blanches") à Bi Gan ("Un grand voyage vers la nuit"), en passant par Clemens Klopfenstein ("Histoire de la nuit"), comme le poétisa Borges en son temps, « Au long de leurs générations / Les hommes ont érigé la nuit » : jusqu'à présent, filmer la nuit tenait principalement d'une quête, aussi bien esthétique que métaphysique, défiant l'horizon du visible. La précision des caméras thermiques, qui détectent les rayonnements infrarouges des corps, a désormais transformé la nuit en illusion d'optique. Sommaire.

Profond et incontestable bouleversement esthétique, culturel et industriel, #MeToo est aussi l'occasion de rappeler que depuis des décennies le féminisme ne cesse de refaire le cinéma et le monde. Dans un livre récent, Feminist Worldmaking and the Moving Image (2022), la curatrice Hi la Peleg et la critique et théoricienne Erika Balsom rouvrent l'histoire des rapports entre formes filmiques et mouvements féministes à travers une passionnante exploration des pratiques de cinéma dit de non-fiction.

Elle était l'amie d'Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor, l'élève de Marc Donskoï et la complice de Chris Marker. Orpheline débarquée à Paris dans les années 1950, elle s'était donné un patronyme surréaliste, comme pour mieux déjouer les assignations et leur opposer son identité irrévérencieuse et généreuse. Maldoror portait à l'écran les "chants d'ombre" de la négritude et les luttes de libération des pays africains. Elle est morte le 13 avril 2020 des suites de la Covid-19. Son oeuvre foisonnante, riche d'une quarantaine de films de tous formats, reste presque invisible.

"Gentrify your own hood before these people do it", improvisait le rappeur Jay-Z en 2019 à l'occasion de la réouverture du Webster Hall à New York. Cet appel mal avisé à une gentrification noire qui couperait l'herbe sous le pied des Blancs lancés à la reconquête des centres-villes oubliait qu'aux EtatsUnis la géographie de l'habitat urbain n'est pas seulement ethnique, elle est aussi sociale. Même gentrifiés par des bourgeois noirs, les quartiers pauvres seraient repoussés vers des territoires plus marginaux, et leurs habitants expulsés.

Puisant dans les codes du film noir, "Bowling Saturne" s'en distancie à bien des égards. Parmi les choix cruciaux de Patricia Mazuy, il y a celui de laisser exister le silence plutôt que de se reposer sur la musique pour entretenir une tension dramatique. Car son film est moins tendu vers des enjeux de surface que vers ce gouffre opaque que constitue la violence, au bord duquel elle se maintient sans jamais tomber dans la complaisance. Sommaire. Silence, Saturne, la critique du film. Masculin féminicide, entretien avec la réalisatrice. Animal on est mâle, encadré.

La 33e édition du festival marseillais s'est déroulée sous les augures de la collégialité, en défendant un cinéma impur et résolument contemporain.

Il est singulier que "Ventura (Cavala Dinheiro)", neuvième long métrage de Pedro Costa, réalisé en 2014, avant "Vitalina Varela" (Cahiers n° 783), nous arrive après huit années. Il lui aura peut-être fallu ce temps de latence pour révéler ses fantômes. Car dans ce récit tortueux - un homme, Ventura, erre à la recherche de son passé dans un inextricable dédale, à la fois asile et catacombe -, il n'est question que de cela : du retour des morts, des deuils impossibles et des béances de l'histoire.

Du 8 juin au 18 septembre 2022, l'exposition « Les pieds dans l'eau » au Jeu de Paume célèbre une oeuvre réjouissante où dialoguent la science et les avant-gardes.

A l'occasion de ses 40 ans, Light Cone organise une semaine riche en projections, performances, installations et rencontres.

Femmes et hommes endimanchés se tiennent loin de la caméra. Le friselis des frênes fait concurrence au son des voix : la discussion, en russe, porte sur celui que l'on définit alors comme un explorateur, Pierre Kropotkine (Alexeï Evstratov). On dit qu'il serait récemment devenu anarchiste au contact des ouvriers de l'horlogerie de Saint-Imier, en Suisse, épicentre dans les années 1870 d'un mouvement anarchiste en expansion. Sommaire. Forces tranquilles, la critique du film. Spectres de la technique, entretien avec Cyril Schaublin.

Sous le titre "Nos humanités", se tient jusque fin décembre 2024 la première partie de la rétrospective intégrale que la Cinémathèque du documentaire à la BPI (Paris) consacre à Frederick Wiseman. En parallèle, Météore films assure la sortie en copies restaurées de "Law and Order" (1969), "Hospital" (1970) et "Juvenile Court" (1973) le 11 septembre 2024. Sommaire. Devant la parole. Le silence des bêtes.