Après nos précédents entretiens sur "Carlos" et "Après Mai", il nous semblait logique de proposer à Olivier Assayas de poursuivre nos échanges autour de "Cuban Network" qui, dans sa filmographie, semble répondre à ces deux précédents titres, et pas seulement parce qu'Edgar Ramfrez était déjà la vedette de "Carlos" : un film choral, l'histoire récente, la politique... Mais on n'imaginait pas l'incroyable aventure qu'a été le tournage de ce film à Cuba, dont il a accepté de nous dévoiler sans fard quelques péripéties rocambolesques.

En 2001, "La Ville est tranquille", Robert Guédiguian vient d'achever son film le plus noir et le plus désabusé sur Marseille. Son Asphalt jungle méridional est à mille lieues de "Marius et Jeannette" (1997), le conte solaire et populaire tourné du côté de L'Estaque qui l'avait révélé au grand public. 2019. Gloria Mundi. La caméra du cinéaste a, pour la première fois, quitté les quartiers excentrés pour filmer l'hypercentre, au cœur d'Euroméditerranée et de ses 480 hectares de promesses électorales.

Dès le premier plan de "Continuer", Joachim Lafosse parvient à créer une crispation affective sidérante qui envahit l'écran. On reconnaît là le savoir-faire de celui qui est passé maître dans l'art de mettre en scène des drames denses et anxiogènes. Sa maîtrise absolue du cadre et de la photographie concourt à isoler les protagonistes dans le décor pour mieux faire ressortir les turbulences relationnelles qui les traversent. Le fin connaisseur des familles pathogènes, des éducateurs déviants et autres parents retors se penche ici sur la relation conflictuelle entre une mère et son fils.

On perçoit que le cinéaste novice puise une partie de son énergie créatrice dans la nostalgie. En l'occurrence, celle du cinéma américain des années soixante et soixante-dix, son panthéon cinématographique, sa marotte absolue. Mais, cette nostalgie n'est ni moribonde ni sentencieuse, car "We Blew It" s'inscrit dans une énergie cinétique à laquelle il s'avère difficile de résister.

Nous sommes à Alger en 2008, quelques années après la guerre civile, cet épisode mortifère qui a coûté la vie à près de 100 000 personnes et que l'on peine encore à nommer et à circonscrire dans le temps. Certains l'appellent la "tragédie nationale", d'autres la "décennie noire". Mais quel que soit son nom, elle pèse lourdement sur le présent et cette longue journée que l'on espérait festive va prendre les allures d'un calvaire doucereux, intime et politique.

Dans "Transit", le réalisateur allemand Christian Petzold transpose le roman éponyme de sa compatriote Anne Seghers, publié en 1944 et décrivant l'étau nazi sur les populations civiles, à Marseille, non plus dans les années 40 mais en 2017.

La réalisation de "Petit Paysan" reste discrète. Néanmoins, elle ne se contente pas de décrire le réel et ose sortir du réalisme pour bifurquer de manière inattendue vers le fantastique et le thriller.

"Noces", drame social du réalisateur belge Stephan Streker, raconte l'histoire de Zahira, jeune femme belgo-pakistanaise, confrontée à un mariage traditionnel qui semble loin de son mode de vie occidental et ses aspirations de liberté. Mais l'identité et les traditions familiales pèsent lourds.

Après la révélation cannoise, section Un certain regard et prix Fipresci 2017, de "Tesnota - Une vie à l'étroit", dont nous avions fait notre couverture (no 685, mars 2018), nous attendions évidemment beaucoup du deuxième film du jeune Kantemir Balagov. "Une grande fille" apparaît au premier abord radicalement différent de son oeuvre précédente tournée dans sa ville natale, Nachlik, en Kabardie : après une chronique contemporaine mêlée de thriller social, voici un film d'époque magistralement mis en scène, situé à Leningrad, juste après la Seconde Guerre mondiale.

Menus plaisirs, mais de longue durée. Comme à son habitude, Frederick Wiseman aborde le réel avec une approche temporelle exponentielle. Pour rendre compte de la magie culinaire de la dynastie Troisgros, le cinéaste américain déplie ainsi son dernier film sur une durée de près de quatre heures. Avant de prendre place dans la salle de projection pour ce marathon documentaire, on craint le gras, le trop-plein ou le ventre mou.

Pour "La Garçonnière", Billy Wilder avait fait construire un décor en trompe-l'oeil pour donner de la profondeur de champ à l'enfilade des bureaux au milieu desquels était engoncé le pauvre Jack Lemon, employé d'une compagnie d'assurances rivé à sa machine à écrire toute la sainte journée. Pour documenter le monde de la confection en Chine, Wang Bing n'a pas besoin de recourir à ce type de subterfuge pour que l'on perçoive à quel point les machines à coudre entassées sur des dizaines de postes de travail dessinent d'impressionnantes lignes de fuite.

Léa Drucker est à l'affiche de deux films ce mois-ci. La comédie piquante et émouvante de Pascal Bonitzer "Le Tableau volé", qui fait d'elle une experte en art, et "Un homme en fuite" de Baptiste Debraux, où elle incarne une policière enquêtant sur un braquage qui pourrait avoir un lien avec la protestation ouvrière dans une petite ville des Ardennes. Deux rôles aux antipodes qui témoignent de l'étendue de son registre et de sa volonté de se frotter à des genres et des univers différents. Une constante depuis ses débuts dans les années 1990.

Il arrive qu'un film se fracasse sur le mur de l'actualité du monde. Après les attentats terroristes du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas contre des civil israéliens, la fiction de Dani Rosenberg mettant en scène la désertion d'un soldat de Tsahal prend une dimension terriblement dramatique. Tourné avant la tragédie et la guerre qui a suivi, le film a été "écrit comme une Shéhérazade qui raconte ses histoires pour retarder l'arrivée de la fin, pour éloigner la mort.

Couvert de distinctions à Cannes (prix de la mise en scène dans la section Un certain regard et meilleur documentaire), "La Mère de tous les mensonges" est le premier long métrage d'une documentariste marocaine de 34 ans qui se confronte à la mémoire et aux traumas de son pays en refusant la facilité de l'enregistrement de la réalité.

Le dernier opus d'Aki Kaurismaki, "Les Feuilles mortes", a été reçu avec enthousiasme au dernier festival de Cannes où il a obtenu le Prix du jury. Les familiers de son cinéma y retrouveront le style économe, laconique mais extrêmement composé qu'ils apprécient. Il s'agit là, incontestablement, d'un de ses films les plus accomplis : une histoire d'amour entre deux déshérités de la vie comme le cinéaste les aime, en même temps qu'une irrésistible démonstration de son humour pince-sans-rire.

Le 3 décembre 2022, Gustavo Petro, le président colombien élu depuis tout juste six mois, concluait un accord historique entre son gouvernement et l'Armée de libération nationale (ELN) permettant aux indigènes déplacés de retourner sur leurs terres natales.

La critique du film "Chronique d'une liaison passagère" d'Emmanuel Mouret par Vincent Thabourey.

En 1955, Douglas Sirk filme une ardente histoire d'amour entre Carey Scott, une "veuve d'âge mûr" (Jane Wyman, alors âgée de 38 ans), et Ron Kirby, un séduisant pépiniériste (Rock Hudson, de dix ans son cadet). Nous sommes dans "Tout ce que le ciel permet" ("All That Heaven Allows"). Alors que la veuve aurait pu trouver refuge dans les bras d'un homme respectable et se contenter d'une histoire d'amour platonique, elle choisit un homme jeune et musclé.

La nuit, au milieu de nulle part, Ali danse rageusement sur le toit de sa voiture au son d'une musique syncopée. Frustré d'avoir abandonné trop tôt une carrière de DJ et d'être condamné à vivre sous le même toit que sa femme qu'il n'aime plus, ce trentenaire virevoltant apaise sa colère en se coupant du monde à l'aide de son casque Bluetooth. Les nuits d'Ava sont moins tonitruantes. Veuve depuis un an, elle élève seule ses enfants et même ses petits-enfants et se console en écoutant de la country-folk qui lui rappelle ses origines irlandaises.

Comment filmer "Ceux qui restent" ?, ceux qui ont fait le choix de rester vivre dans des campagnes en déclin et dont on se remémore l'existence uniquement lorsqu'il est question des gilets jaunes ou du vote en faveur du Rassemblement national. En posant leur caméra dans le massif jurassien, les frères Larrieu redonnent de la visibilité à des femmes et à des hommes issus de la "diagonale du vide", une large bande de territoire allant de la Meuse aux Landes, un vaste espace traversant l'Hexagone caractérisé par une faible densité de population.

À 85 ans, Jean-François Laguionie signe son septième long métrage d'animation et poursuit une veine introspective entamée dans "Louise en hiver" (2016). Quand Louise quittait sa maison de bord de mer pour construire une cabane, les parents du petit François, dans "Slocum et moi", bâtissent un bateau en bois au fond de leur jardin en bord de Marne.